Faire face au risque d’une pénurie de médicaments
À l’issue d’échanges avec plusieurs interlocuteurs des secteurs hospitaliers et industriels et d’élus inquiets de la possibilité que survienne une pénurie de médicaments en France et dans plusieurs autres pays d’Europe, François-Xavier Bellamy, membre de la commission de l’industrie au Parlement européen, a écrit au commissaire en charge du marché intérieur, Thierry Breton, pour l’alerter sur ce sujet.
Le Parlement européen doit préparer un rapport d’initiative sur le sujet, dont la réalisation a été confiée à Nathalie Colin Œsterlé, membre de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) et de la délégation française du PPE.
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[01/04/20]
Monsieur le Commissaire,
Permettez-moi d’attirer votre attention sur une difficulté majeure qui pourrait survenir dans la réaction à la crise sanitaire que nous connaissons : nous voyons apparaître, outre le manque cruel de masques, d’équipements de protection et de respirateurs, le risque majeur d’une pénurie de médicaments en Europe.
Nous sommes saisis par de nombreux médecins hospitaliers et personnels soignants, qui arrivent au bout de leurs stocks en particulier en matière de curares, médicaments utilisés pour les personnes qui doivent faire l’objet d’une intubation. C’est également le cas des hypnotiques, des corticoïdes et de certains antibiotiques. En quelques semaines, la demande de ces substances a augmenté de plus de 2000% dans le monde, et la production, qui a lieu pour une grande part dans les pays d’Asie eux-mêmes touchés par l’épidémie, ne peut suivre le rythme. La situation est déjà tendue dans les régions les plus touchées : en Île-de-France, des établissements hospitaliers n’ont désormais que quelques jours de stocks devant eux, et la Présidente de la Région, Valérie Pécresse, a récemment lancé l’alerte à ce sujet.
Aujourd’hui, près de 500 000 personnes sont porteuses du virus en Europe et ce nombre va s’accentuer dans les jours à venir. Dans de nombreux pays, les capacités des unités de soins intensifs et de réanimation sont débordées ou en passe de l’être. Sans une action organisée et déterminée, un grand nombre de structures hospitalières pourraient se trouver à court de stocks de médicaments, et par là dans l’impossibilité de traiter les personnes atteintes du Covid-19, mais aussi de soigner d’autres pathologies ou de réaliser des interventions chirurgicales indispensables. Après les pénuries de masques et de matériels de protection, ce serait un nouvel échec dans le soutien que nous devons aux personnels soignants, qui se donnent sans compter pour sauver des vies.
Pour faire face à cette urgence absolue, il faut une stratégie forte sur le plan européen. Les États-membres doivent coopérer pour faire l’inventaire des stocks disponibles et garantir qu’ils soient tous mobilisés de façon cohérente pour faire face à l’épidémie. Aucune mesure restrictive liée aux décisions de confinement ou de fermeture des frontières ne doit pouvoir empêcher l’approvisionnement des chaînes de production de médicaments basées en Europe. Il est nécessaire de relocaliser en urgence la production des médicaments les plus sollicités face au Covid-19, en convertissant si besoin des lignes de production allouées à d’autres produits. Enfin, l’Union européenne doit parler d’une seule voix sur le marché pharmaceutique mondial, pour contrebalancer les pressions massives exercées par de grandes puissances qui feront tout pour s’accaparer les ressources disponibles notamment en Inde et en Chine.
Nous en avons parlé ensemble lors de notre dernière conversation, il y a quelques jours : face à cette crise, l’Europe doit faire la preuve qu’elle peut nous renforcer. Depuis le début de votre mandat, vous signalez l’ampleur du chemin à faire pour nous réarmer sur le plan industriel, et nous partageons cette conviction. J’ai déjà eu l’occasion de dénoncer au Parlement la vision de court terme qui a conduit nos pays à délocaliser la production des principes actifs des médicaments, et soutenu votre engagement pour développer de nouveau les stratégies industrielles nécessaires à la reconstruction de notre autonomie sur des filières essentielles. Cette volonté va devoir se matérialiser en quelques jours, pour faire face à l’épidémie. Dans ce contexte d’urgence, pouvez-vous nous indiquer les mesures que vous prenez, afin que nous puissions apporter aux personnels soignants toutes les garanties nécessaires ?
En vous remerciant par avance, je vous renouvelle l’expression de ma confiance, et je vous prie d’agréer, Monsieur le Commissaire, l’expression de ma haute considération.
François-Xavier Bellamy
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