Taxonomie européenne sur la finance verte : la Commission européenne commet une faute grave en excluant le nucléaire
`Tribune initialement parue sur le site de L’Opinion.
La Commission européenne vient de rendre public l’acte délégué relatif aux énergies pouvant être intégrées à la Taxonomie européenne sur la finance verte. Cette taxonomie doit sélectionner les activités d’approvisionnement énergétique qui, parce qu’elles concourent à atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050, pourront faire l’objet d’un soutien public. Elle orientera donc l’essentiel des investissements publics et privés dans toute l’Union européenne pour de nombreuses années.
Or la Commission européenne a décidé de ne pas intégrer l’énergie nucléaire dans ce premier acte délégué. Elle promet de traiter la question dans une étape ultérieure, mais un acte délégué spécifique, outre le temps qu’il prendra, n’a que très peu de chances d’être finalement approuvé.
Une faute contre la science
C’est d’abord une faute contre la science, et contre la transparence de ce processus de décision. Le groupe d’experts (Joint Research Center), constitué par la Commission européenne elle-même pour préparer la taxonomie, a publié fin mars un rapport qui démontre, sur une base scientifique incontestable, que l’énergie nucléaire ne peut être considérée comme nuisible à l’environnement ou à la santé humaine. La décision de l’exclure de la taxonomie ne peut qu’être le résultat de pressions idéologiques et d’intérêts financiers – la filière des énergies dites renouvelables ayant beaucoup à gagner de l’affaiblissement d’une source d’énergie pilotable et décarbonée… Derrière les discours anti-nucléaires, il y a des stratégies prédatrices, qui jouent contre la transparence et la loyauté de cette réglementation cruciale.
Une faute contre l’écologie
Cette aberration idéologique est aussi une faute contre l’écologie. Le GIEC a démontré, dans son rapport d’octobre 2018, la nécessité de multiplier par six les capacités nucléaires mondiales pour parvenir aux objectifs de l’Accord de Paris : sans préjuger de l’avenir à long terme, l’évolution actuelle des besoins énergétiques mondiaux et l’urgence de sortir des énergies fossiles rendent absolument indispensable le recours à cette énergie décarbonée. L’Union européenne annonçait ce matin qu’elle se fixe un objectif de réduction de 55% des émissions carbone pour 2030, et elle se retire le même jour les moyens de l’atteindre : cette hypocrisie sera sévèrement jugée par les générations futures. Au moment où la Chine et les Etats-Unis (sous une administration démocrate) choisissent d’investir massivement dans cette filière, l’Union européenne commet un contresens historique majeur.
Une faute contre la France
Enfin, cette décision est une faute contre la France : la filière nucléaire, depuis le général de Gaulle, représente un atout majeur pour notre pays sur le plan industriel, et un outil stratégique de souveraineté. Le gouvernement a commencé à communiquer à la veille de la parution de cet acte délégué : mais les négociations sur ce sujet décisif durent depuis près de trois ans. Nous n’avons cessé d’alerter, publiquement et dans nos échanges avec l’exécutif, sur la nécessité urgente d’obtenir un changement de méthode de la Commission européenne ; la France aurait pu l’obtenir, si elle n’avait pas attendu la dernière ligne droite pour intervenir. C’est un échec majeur, qui risque d’aggraver encore le décrochage déjà avancé de notre compétitivité et de notre balance commerciale. Cette faillite pèsera lourdement au bilan d’un Président de la République isolé en Europe, otage des ambiguïtés d’une majorité totalement contradictoire, concentré sur de purs effets de communication mais manifestement dépourvu de vision stratégique.
La Commission européenne, en disqualifiant l’énergie nucléaire, a préféré se soumettre au lobbying intense d’intérêts très déterminés. Les parlementaires Les Républicains poursuivront leur engagement pour corriger ce premier acte délégué au Parlement européen, et continueront le combat à l’Assemblée nationale et au Sénat, pour que les décisions engageant l’avenir de notre pays soient prises sur une base rationnelle et non idéologique. C’est la place de la France et de l’Europe qui est en jeu, mais aussi la vitalité économique comme l’équilibre social de nos pays, et la cause de l’environnement : nous ne manquerons pas à notre responsabilité.
Christian Jacob, président du parti Les Républicains
Damien Abad, président du Groupe LR à l’Assemblée nationale
François-Xavier Bellamy, président de la Délégation française du Groupe PPE
Bruno Retailleau, président du Groupe LR au Sénat