Maîtrise de la dépense publique : comment économiser 8 milliards d’euros d’ici 2027 tout en renforçant nos services publics

Tribune initialement parue dans Le Figaro.

François-Xavier Bellamy, chef de file des députés LR au Parlement européen
Pierre Danon, entrepreneur

« La situation budgétaire du pays, que je découvre, est très grave ». Dès sa prise de fonctions, Michel Barnier assumait un constat lucide. Avec seulement quinze jours pour préparer un budget, le défi reste immense et la tâche urgente pour redresser la situation. L’essentiel du chemin ne peut passer par la hausse de la fiscalité : les 20 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sur les entreprises et les ménages prévus pour 2025 risquent déjà de freiner la croissance économique, dans un pays où l’imposition est depuis longtemps l’une des plus lourdes de l’OCDE. La gauche semble toujours aussi incapable de le comprendre, si l’on en croit la surenchère fiscale délirante à laquelle elle se livre à l’Assemblée nationale.

Le vrai levier pour retrouver des finances publiques saines, c’est l’engagement déterminé pour la baisse de la dépense publique. Le gouvernement vient d’annoncer 1,2 milliard d’euros d’économie grâce à des mesures de réduction de l’absentéisme des agents publics. À cela s’ajoute l’annonce de revues de dépenses destinées à identifier des pistes d’économies à l’horizon 2027.
Mais pour affronter l’essentiel, il va falloir faire des choix fondamentaux ; et il y a urgence. Notamment en ce qui concerne la masse salariale de nos administrations, un poste qui représente près de 350 milliards d’euros, soit environ 22% de la dépense publique totale en 2023.

Bien des emplois publics sont indispensables. Il n’est pas question de réduire, au contraire, les effectifs de nos soignants, policiers, gendarmes, personnels de secours, enseignants, magistrats, gardiens de prisons… Ils seront indispensables à la reconstruction de l’État dans ses missions fondamentales, aujourd’hui si fragilisées.

L’État ne retrouvera pas son efficacité, et simultanément la maîtrise de sa dépense, sans restreindre le poids qu’a pris l’« administration administrante ».

Mais cette reconstruction même suppose une réforme profonde de l’action publique. L’État ne retrouvera pas son efficacité, et simultanément la maîtrise de sa dépense, sans restreindre le poids qu’a pris l’« administration administrante ». Les fonctions qui peuvent y être rattachées occupent au moins 1,1 million sur les 5,6 millions d’agents publics que compte notre pays, selon les chiffres de l’édition 2023 du rapport sur l’état de la fonction publique, qui devront naturellement être précisés par des travaux de terrain, administration par administration. Ces fonctions d’administration au sein de l’État, des hôpitaux, des collectivités territoriales et des établissements publics ont pris une place prépondérante, au détriment de l’action des fonctionnaires de terrain, des moyens qui leur sont alloués et de leur responsabilité propre.

Poser ce problème fondamental, ce n’est pas remettre en cause l’engagement des agents qui ont été recrutés dans ces postes, mais les décisions politiques qui ont abouti à un échec collectif si coûteux pour les Français, et qui cause un mal-être profond dans bien des administrations.

Il est pourtant possible de changer de cap ; et l’opportunité est devant nous. Des changements majeurs peuvent intervenir par l’obsolescence progressive des postes dédiés au contrôle de dossiers ou de pièces justificatives au format papier, du fait de la numérisation de nombreuses démarches administratives. Les nécessaires suppressions et fusions d’agences, d’opérateurs et de comités, si souvent promises mais jamais entreprises, rendront nombre de postes administratifs redondants. L’essentiel est enfin de simplifier les chaînes hiérarchiques dans de nombreux services publics, comme l’hôpital, pour s’assurer que les fonctions support soient au service des opérationnels et non l’inverse. Autant de raisons pour pleinement engager une véritable transformation de nos administrations afin qu’elles retrouvent toute leur efficacité au service des priorités politiques qu’attendent les Français.

La pyramide des âges offre une opportunité unique pour prendre ce chemin

La pyramide des âges offre une opportunité unique pour prendre ce chemin : dans les dix prochaines années, plus de 400 000 agents, dans cette “administration administrante”, partiront à la retraite. En choisissant de ne pas remplacer les 122 000 départs qui interviendront au cours des trois prochaines années, la France pourrait économiser au minimum 8 milliards d’euros d’ici 2027. Cette mesure structurelle serait bénéfique dans la durée, et assurerait une économie annuelle d’au moins 4 milliards d’euros dès 2028.

Il se trouvera bien des spécialistes de l’impuissance pour déclarer qu’une telle réduction d’effectifs serait impossible ; elle ne représente pourtant que 70% des 178 000 postes créés sous le premier mandat d’Emmanuel Macron. La France serait-elle en danger si l’État retrouvait le nombre des agents qu’il avait en 2017 ?

Le but de cette mesure ne serait pas seulement de contribuer substantiellement au redressement de nos comptes, mais aussi de reconstruire nos services publics. Les gains d’efficacité viendront d’abord de la débureaucratisation, de la simplification, de la réduction des contrôles et des procédures injustifiés, mais aussi de la réutilisation de 10 % des économies générées pour investir et moderniser nos administrations, en repenser l’organisation, redonner du temps et des moyens d’action aux agents opérationnels, sur le terrain, tout en renforçant l’attractivité des carrières publiques par des gains de pouvoir d’achat. La réduction de la dette par l’augmentation des impôts, c’est la solution de facilité qui détruira notre économie ; par la baisse de la dépense publique, c’est le chemin courageux qui refondera nos services publics et rendra son élan au pays. Ne nous trompons pas de chemin.