Une majorité pour rompre avec cette fuite en avant migratoire
Entretien paru dans Le Figaro le 17 octobre 2024, propos recueillis par Emmanuel Galiero.
LE FIGARO .- Comment observez-vous les premières semaines de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur face à la question migratoire ?
François-Xavier BELLAMY .- Le défi est existentiel, pour notre pays comme pour l’Europe. Car c’est par l’Europe qu’une grande partie de la solution passera. Nous en avons parlé avec Bruno Retailleau après son passage à Luxembourg pour la réunion des ministres de l’intérieur européens. Si nos États ne retrouvent pas la maîtrise de l’immigration, leur impuissance condamnera nos démocraties. La bonne nouvelle, c’est qu’avec la victoire du PPE en Europe, nous avons enfin une majorité pour rompre avec cette fuite en avant.
Manfred Weber, président du PPE, se réjouit de pouvoir compter sur Michel Barnier, premier ministre français. Quel est le message de sa visite à Paris durant laquelle il rencontré plusieurs figures de la droite ?
Son message est simple : la droite a gagné les leviers pour agir ; cela implique une immense responsabilité. Maintenant il faut un vrai changement, des solutions concrètes. Sur le sujet migratoire, nous ne réussirons que par une réponse coordonnée. Prenez le lien avec les pays de départs : certains refusent de reprendre leurs ressortissants entrés illégalement dans nos pays, alors même que nous leur délivrons chaque année des visas et des aides au développement. Quand la France suspend ses visas, les ressortissants de ces pays les obtiennent d’autres États européens pour contourner l’obstacle : l’effet dissuasif est annulé. Depuis des années, nous demandons que ce soient tous les visas européens qui soient conditionnés à une vraie coopération des pays tiers en matière migratoire. Nous pouvons y parvenir aujourd’hui. Ces réponses coordonnées pour les expulsions, comme sur la prévention des entrées illégales ou la lutte contre les passeurs, sont la condition pour reprendre le contrôle de nos frontières.
Que pensez-vous de la reprise du projet immigration par le gouvernement en France ?
C’est absolument nécessaire. Michel Barnier est premier ministre, Bruno Retailleau est ministre de l’Intérieur : cela ne peut que se traduire concrètement par un changement de politique. J’ai condamné l’incapacité du macronisme à se saisir de ces sujets, et nous l’avons vécu très concrètement avec le jeu de dupes sur cette loi immigration. Maintenant, il faut montrer que tout a changé.
Le premier ministre a parlé de rupture : c’est la condition pour mériter la confiance des Français. Avec Bruno Retailleau, nous avons combattu le « en-même-temps » macroniste ; je suis sûr qu’il saura mettre en œuvre un cap clair. Sur cette question migratoire comme sur le reste, il n’y aura pas d’action efficace sans le courage et la cohérence que les Français attendent de nous.
Le PPE met-il en place une nouvelle stratégie d’alliances au sein de l’UE sur cette question migratoire ?
Nous vivons surtout une nouvelle donne politique en Europe. Au Parlement, le PPE a grandi, et il a gagné une position incontournable, alors que la gauche a beaucoup diminué. Pendant le dernier mandat, une alliance régulière réunissait contre nous des élus allant de Renew (parti macroniste) jusqu’à l’extrême gauche, pour imposer la décroissance environnementale, l’inflation normative, l’impuissance migratoire… Désormais, cette alliance de gauche n’a plus de majorité. Dans cette position de force, nous avons une occasion inédite de permettre enfin un changement profond en Europe.
N’existe-t-il pas un risque pour le PPE de s’allier avec des partis jugés « populistes » ou « extrémistes » ?
Au Parlement, nous défendons simplement notre ligne. J’ai pris des engagements clairs pendant la campagne européenne, et avec les élus de notre délégation, nous allons désormais décliner notre projet. Nous mettrons nos propositions sur la table, et chacun assumera son vote. Ma seule obsession est d’agir et d’obtenir des résultats. Si la gauche refuse encore de voir la réalité du défi migratoire, elle continuera de se couper des classes populaires. Libre à elle de persister dans le déni ; mais personne ne pourra nous reprocher de défendre nos idées, et de tenir parole devant les Français.
Que retenez-vous de vos échanges musclés avec l’Insoumise Rima Hassan au parlement européen ?
Malgré les menaces dont j’ai fait l’objet, je ne lâcherai rien. Je crois toujours à la possibilité de concilier la fermeté et le respect. Les élus de la France Insoumise ont choisi la stratégie du chaos ; mais ils ne doivent pas nous faire dévier de notre ligne. J’observe que leur complaisance avec l’islamisme et l’antisémitisme provoque un vrai malaise chez leurs propres alliés européens.
C’est plus que jamais sur nous, au sein du PPE, que repose l’influence française en Europe. […] Même en étant moins nombreux que par le passé, nous avons, en travaillant sans relâche, une place centrale au sein de la première force politique du continent, pour gagner les batailles que les Français attendent.
Quel est le sens de la présence de Michel Barnier jeudi au sommet du PPE ?
L’attente est très grande. Michel Barnier hérite d’un pays qui semble avoir perdu le contrôle sur le plan budgétaire. Cette situation suscite une profonde inquiétude en Europe : une crise majeure chez nous pourrait déstabiliser toute la zone euro. Nous évoquerons également les enjeux migratoires, qui sont une priorité absolue pour le PPE.
Le même jour Emmanuel Macron participe au sommet de Renew. Quid du macronisme au niveau européen ?
En 2019, Emmanuel Macron appartenait à une force politique importante en Europe ; elle s’est effondrée en cinq ans. Le groupe Renew est devenu le cinquième au Parlement européen, et le président de la République est désormais très isolé. Cette fin de cycle se paie cher pour la France. C’est plus que jamais sur nous, au sein du PPE, que repose l’influence française en Europe.
On vous dira que la droite s’est aussi affaiblie au sein du PPE…
La droite française a tout à reconstruire pour rejoindre la dynamique qui traverse toute l’Europe. Mais dès aujourd’hui, même en étant moins nombreux que par le passé, nous avons, en travaillant sans relâche, une place centrale au sein de la première force politique du continent, pour gagner les batailles que les Français attendent.