Retour sur la session plénière de novembre 2019 au Parlement européen

 

Voir aussi :

Angela Merkel, Bundestag, CDU-CSU : déplacement à Berlin

François-Xavier Bellamy et Angela Merkel, Berlin, novembre 2019

Quelques mots pour revenir avec vous sur ce premier déplacement en Allemagne : trois jours très denses, consacrés à nouer des relations avec de nombreux acteurs qui joueront un rôle important pour avancer dans les années à venir sur les sujets concrets qui attendent nos pays.

Échanges avec Angela Merkel, des élus du Bundestag et des dirigeants de la CDU-CSU

Au cours de ce déplacement, j’ai pu échanger avec la Chancelière Angela Merkel, de nombreux élus importants du Bundestag, et des dirigeants de la CDU-CSU. J’ai été reçu par la Fondation Konrad Adenauer, et invité à la Europa Rede, un discours annuel organisé chaque année à la veille de la commémoration de la chute du mur de Berlin, et prononcé cette année par Ursula von der Leyen, nouvelle présidente de la Commission européenne.

Quels enseignements retirer de ce premier déplacement en Allemagne ? Je repars d’abord avec le sentiment qu’il nous faut reconstruire un dialogue plus franc et plus concret pour tenter de rapprocher nos points de vue. Sur beaucoup de sujets, nous avons parfois des désaccords avec nos amis allemands, et cela a pu fragiliser notre pays et toute l’Europe dans un moment pourtant critique : sur le rapport à la mondialisation, au commerce extérieur, à la politique monétaire ; sur la crise migratoire, ou encore sur la réponse à apporter au défi climatique… Ces sujets essentiels ont pu être l’occasion, ces dernières années, d’incompréhensions et d’erreurs. Mais il me semble que nous avons aujourd’hui un moment à saisir : en France comme en Allemagne, nous percevons bien aujourd’hui que l’Europe est en crise, qu’elle semble subir une histoire qui s’écrit trop souvent sans elle. Cette crise peut être une chance, si elle devient l’occasion d’un réveil.

Le dialogue avec nos interlocuteurs allemands peut être direct et ouvert

J’ai été très surpris et heureux de voir à quel point, sur tous ces enjeux, le dialogue avec nos interlocuteurs allemands peut être direct et ouvert. J’ai abordé de nombreuses priorités que nous avons défendues pendant notre campagne, et qui pourront se réaliser si nous les partageons avec l’Allemagne : rééquilibrer la mondialisation par une nouvelle approche du commerce international ; protéger les frontières extérieures de l’Europe pour que nos pays puissent déterminer librement leur politique migratoire ; se doter, non plus seulement de normes européennes, mais d’une vraie stratégie commune pour notre industrie, afin de garantir notre autonomie et nos emplois… Sur tous ces sujets, bien des pas en avant sont possibles aujourd’hui. Bien sûr, la France et l’Allemagne ne décideront pas seules de l’avenir de l’Europe ; mais si nos pays progressent sur ces sujets concrets, ils peuvent servir le renouveau dont nous avons besoin.

Cela suppose d’aborder tous ces débats avec sérieux, avec exigence mais aussi avec l’écoute et la simplicité nécessaires. La voix de la France est souvent rendue inaudible par une forme d’arrogance et d’inconséquence. Avec les amis allemands que j’ai rencontrés, nous avons convenu d’initier un rendez-vous au moins annuel, en nous consacrant à chaque fois à un sujet précis, pour pouvoir obtenir des avancées concrètes.

François-Xavier Bellamy

 

Avec Hans-Gert Pöttering, ancien président du Parlement européen, Angela Merkel, et Norbert Lammert, ancien président du Bundestag et président de la Konrad-Adenauer-Stiftung

Publiée par François-Xavier Bellamy sur Dimanche 10 novembre 2019

Retour sur la session plénière d’octobre 2019 au Parlement européen

 

Ajout (2 décembre 2019) :

Souligner deux points essentiels à la suite des auditions de Sylvie Goulard

La désignation de Mme Goulard comme commissaire a été écartée aujourd’hui par le vote des commissions parlementaires concernées.

Dans le processus d’auditions qui a conduit à ce vote, notre groupe a travaillé de façon sérieuse, sans chercher à faire de coup politique, mais sans concession ni compromission. Nous avons posé à Mme Goulard les questions qui s’imposaient, pour avoir la certitude qu’elle pouvait conduire sa mission de façon sereine et en toute indépendance. Ses réponses ne nous ont pas permis d’en avoir la garantie. Le vote très majoritaire des parlementaires montre que ce sentiment a été largement partagé.

A la suite de ce vote, je voudrais souligner deux points essentiels.

Reconstruire l’influence de la France en Europe

Reconstruire l’influence de la France en Europe suppose que le Président de la République et sa majorité retrouvent un peu d’humilité, de respect et de sens de l’écoute. Beaucoup de nos collègues ont trouvé très surprenant qu’une enquête qui disqualifiait Mme Goulard pour être ministre à Paris, ne la disqualifie pas pour devenir commissaire à Bruxelles. Beaucoup ont trouvé inquiétant que les élus Renew choisissent d’écarter, avant même son audition, un candidat d’Europe de l’Est qui n’avait jamais fait l’objet de la moindre enquête, et ferment ensuite les yeux sur les difficultés importantes soulevées par une candidate française. Nous n’avons cessé de signaler ces difficultés depuis plusieurs semaines, sans être entendus apparemment… L’Europe ne peut pas se construire sur un deux poids – deux mesures aussi manifeste, et la France se discréditera malheureusement si ses gouvernants persistent à vouloir s’imposer ainsi.

Le respect dû à la démocratie suppose que le processus parlementaire soit pleinement respecté

Par ailleurs, comme nouvel élu, j’ai été frappé de voir s’exercer des pressions multiples sur des collègues élus dans d’autres groupes politiques, pour tenter de modifier leurs décisions concernant Mme Goulard. La moralisation de la vie publique, l’exigence de transparence et le respect dû à la démocratie, suppose que le processus parlementaire soit pleinement respecté, et que les questions essentielles puissent être posées. Si l’on veut retrouver la confiance des citoyens, il faut rompre avec ces jeux d’influence qui discréditent depuis trop longtemps les institutions européennes.

Pour notre part, nous avons travaillé pour être à la hauteur du mandat que nous ont confié les électeurs. Nous avons pris ce processus au sérieux, sans jamais tomber dans des oppositions politiciennes stériles ; et nous sommes prêts à travailler avec la personne que M. Macron désignera maintenant pour représenter la France au sein de la Commission européenne. Mais nous avons aussi montré que nous prenions notre mandat parlementaire au sérieux, et que nous n’accepterons de nous laisser intimider ni par de mauvais procès, ni par quelque pression politique que ce soit.

François-Xavier Bellamy

Photo : © European Union 2019 – Source EP / S.PIRLET 

 

Première audition de Sylvie Goulard en commission ITRE : 

Seconde audition de Sylvie Goulard en commission ITRE :

Audition des commissaires-désignés, action de la délégation française au Parlement européen : entretien avec l’Opinion

Entretien initialement paru dans l’Opinion du lundi 7 octobre 2019, en ligne ici. Propos recueillis par Isabelle Marchais.

Le Parlement européen peut-il refuser de valider la candidature de Sylvie Goulard à la Commission ?

C’est une possibilité, même si notre intention n’est pas d’en arriver là quoiqu’il arrive. Le portefeuille dont elle hériterait est absolument décisif : il concerne la stratégie industrielle, le marché intérieur, le numérique, la défense, l’espace… L’Union européenne ne peut pas se permettre d’avoir, pour s’en occuper, une commissaire qui aurait à gérer, simultanément, la suite d’une enquête de l’OLAF, une procédure judiciaire en France, et des soupçons liés à un potentiel conflit d’intérêts. Ce serait une fragilité importante ; si Mme Goulard considérait que le fait d’être sous le coup d’une enquête constituait un risque pour l’exercice de sa fonction comme ministre de la Défense, je ne vois pas en quoi ce risque a disparu pour gérer cette responsabilité de commissaire. Par ailleurs, le risque de conflit d’intérêt est réel. Elle a été rémunérée 350 000 euros par le think tank d’un financier américain : comment peut-elle se contenter de répondre en invoquant la « liberté d’entreprendre » ?

Est-ce un sentiment largement partagé ?

Tous les groupes politiques, à l’exception naturellement de Renew, sont sortis déçus de son audition. Pourtant nous l’abordions avec l’idée de poser les questions que tout le monde se pose, et de lui offrir une occasion de répondre, de façon concrète et personnelle. En réalité, nous n’avons pas eu de réponses. Cela crée un malaise profond. C’est d’autant plus problématique après ce qui s’est passé la semaine dernière : le candidat hongrois Laszlo Trocsanyi, qui n’a jamais fait l’objet d’aucune enquête ni a fortiori d’aucune condamnation, a été rejeté avant même d’avoir pu s’expliquer en audition, notamment par les mêmes députés Renew qui disent aujourd’hui qu’il n’y a pas de problème avec Sylvie Goulard. Cela a contribué à tendre les choses. Personne ne souhaite entrer dans un conflit politicien, nous prenons ces questions trop au sérieux ; mais simplement, le « deux poids deux mesures » qu’on voudrait nous imposer est totalement injustifiable, et cela suscite beaucoup d’incompréhension, notamment chez nos collègues élus d’Europe de l’Est.

Que faites-vous de la présomption d’innocence ?

Je respecte bien sûr totalement la présomption d’innocence, et je l’ai rappelé au début de l’audition. Je n’ai pas cherché des arguments épouvantables pour attaquer Mme Goulard : j’ai simplement rappelé ses propres mots ! Au moment de sa démission en France, elle expliquait que l’exemplarité comptait plus que tout, et qu’elle voulait s’appliquer les règles en vigueur dans les autres pays européens. Ce n’est quand même pas indigne que de lui demander ce qui explique le décalage, entre la décision qu’elle avait prise et sa position d’aujourd’hui. Amélie de Montchalin croit-elle qu’elle va défendre Mme Goulard en expliquant que poser cette simple question, c’est faire le jeu de l’extrême droite ? Est-ce que demander un minimum de transparence est désormais coupable ? Nous ne cherchons pas à attaquer qui que ce soit, nous cherchons simplement la vérité ; et je ne compte pas plier devant cette stratégie d’intimidation. Le procès en extrémisme que subissent tous ceux qui osent ne pas être entièrement d’accord avec les choix de M. Macron est inepte.

Le travail de Sylvie Goulard comme consultante était déclaré et légal. Et selon une enquête de Transparency international, deux tiers des eurodéputés exercent une activité rémunérée…

Personne ne prétend qu’il n’était pas déclaré ; et, même si j’ai du mal personnellement à voir comment on peut trouver du temps pour cela, ce n’est pas le fait d’exercer une activité rémunérée en parallèle d’un mandat qui pose problème. Quand on est député européen, exercer comme enseignant ou comme médecin ne pose pas le même type de questions que d’être rémunéré par un investisseur étranger actif sur des secteurs industriels stratégiques… Le problème, c’est que Mme Goulard ne peut nous dire précisément ce qu’elle a fait pour une somme si importante. On peut supposer que M. Berggruen a une stratégie d’influence, et qu’il s’en donne les moyens. Mais quand vous allez gérer la mise en place du Fonds européen de défense par exemple, qui heurte de manière manifeste la vision et les intérêts américains, ce n’est quand même pas neutre de commencer avec cette espèce de tache aveugle, avec ce lien dont on ne sait rien.

Sylvie Goulard va devoir répondre à de nouvelles questions écrites. Qu’en attendez-vous ?

De nombreuses questions écrites lui ont été adressées. Nos collègues n’avaient pas seulement besoin d’éclaircissements sur ces sujets de transparence, mais aussi sur les sujets de fond, sur le contenu des politiques qu’elle souhaite mener, et sur lesquelles beaucoup de réponses ont semblé évasives. Il me semble qu’une seconde audition sera sans doute nécessaire.

Faut-il y voir un règlement de comptes contre Emmanuel Macron ?

Non, ce n’est vraiment pas ce qui a déterminé nos décisions concernant Sylvie Goulard. Encore une fois, tous les groupes sauf Renew ont réagi de la même manière. Au PPE, personne n’a abordé l’audition en se préparant à l’écarter ; nous avons des collègues francophiles, francophones, qui n’ont pas du tout envie qu’un fossé se creuse avec la France. Ce qui est vrai en revanche, c’est que son audition a été perçue comme symptomatique d’une arrogance souvent reprochée malheureusement aux Français. On l’a déjà vu avec l’installation difficile d’En Marche au sein du groupe libéral : il y a une manière d’arriver bardé de certitudes, avec la conviction d’une évidente supériorité, qui passe très mal ici.

Vous-même n’êtes pas arrivé en position de force…

Bien sûr, nous avons été déçus du résultat de l’élection. Mais au moins je n’ai pas honte de la campagne que nous avons menée, et je la préfère à des victoires gagnées par des tactiques inconséquentes. Aussi bien La République en Marche que le Rassemblement national ont organisé toute leur campagne sur des fictions, qui se sont dissipées en deux semaines… La République en Marche nous a promis qu’elle allait être le grand groupe qui allait changer l’Europe de l’intérieur ; en réalité, non seulement ils rejoignent un groupe minoritaire, mais eux-mêmes se sont marginalisés au sein de Renew Europe, dont ils n’ont pas pu prendre la présidence. Le Rassemblement national disait avoir préparé une grande alliance qui allait prendre le pouvoir ; mais il n’y a eu aucune alliance, et leur groupe reste complètement à la marge. Pour nous, de manière peut-être plus humble et plus concrète, nous n’avons pas menti sur la réalité des enjeux, nous avons pris les Français au sérieux. Au sein du PPE, qui est le premier groupe politique, c’est sur nous que repose le travail essentiel pour faire valoir nos idées et faire entendre la voix de la France. Cela constitue une vraie responsabilité, car c’est sur nos épaules que pèse l’essentiel de l’influence française au Parlement européen.

Mais vous n’êtes que huit députés LR !

Le défi est immense, c’est vrai. Mais l’influence n’est pas qu’une question de nombre : elle dépend aussi des liens de confiance que vous pouvez créer avec les gens, et du travail que vous faites pour être crédible sur les dossiers. Les premiers mois ont été très encourageants : Anne Sander a décroché le poste de premier questeur du Parlement, et Arnaud Danjean a été élu vice-président du groupe. Ce sont des leviers politiques essentiels pour agir. Cela a prouvé que nous pourrons peser sur les sujets qui nous attendent : nous n’allons pas rester à regarder passer les balles. Il va falloir travailler beaucoup et être soudés. Nous n’avons pas le luxe de pouvoir nous diviser.

Faut-il exclure Orban du PPE suite à ses atteintes répétées à l’Etat de droit ?

Il y a un processus en cours pour faire l’état des points d’accord et de désaccord, et j’espère qu’il sera terminé avant le congrès du PPE à Zagreb fin novembre. A titre personnel, quand j’échange avec mes collègues hongrois, j’ai vraiment beaucoup de mal à voir pourquoi on en viendrait à une rupture. Le procès instruit contre le Fidesz me paraît totalement disproportionné. Et j’observe que beaucoup ont des indignations à géométrie variable… Il peut y avoir des désaccords avec Viktor Orban bien sûr, mais tomber dans l’excès ne permet pas de les résoudre.

 

Retour sur la première session plénière du mandat 2019-2024 au Parlement européen

Chers amis,

La première session de Strasbourg s’achève ! Je voudrais partager avec vous le résultat de ces derniers jours, qui ont été mouvementés…

Malgré l’ampleur de l’adversité qu’elle a rencontrée, notre famille politique a remporté les victoires essentielles : c’est au PPE, la droite européenne, que revient la présidence de la Commission européenne, ainsi que la présidence de la BCE.

En Europe, les électeurs ont accordé la majorité de leurs suffrages aux candidats de droite à l’occasion de l’élection européenne du 26 mai, et il aurait été incompréhensible que les nominations stratégiques de ce début de mandat ne reflètent pas ce choix démocratique. Avec notre délégation française, nous avons constamment maintenu ce principe non négociable ; nous ne sommes pas de ceux qui oublient leur campagne dès le moment de l’élection. Et lorsque les blocages rencontrés au Conseil ont conduit à envisager qu’un socialiste soit investi à la tête de la Commission, nous avons clairement indiqué que nous quitterions le PPE si un tel compromis devait être accepté.

Ces discussions franches et claires ont conduit le PPE à refuser cette perspective, et l’idée de placer M. Timmermans à la tête de la Commission a donc été écartée. Notre priorité absolue est aujourd’hui atteinte. Malgré l’élection de M. Sassoli à la présidence du Parlement, que nous regrettons, les socialistes ont échoué à prendre la main sur la décision politique en Europe : cette fonction institutionnelle, qu’il n’occupera que pour la moitié du mandat, n’a pas d’impact sur les orientations de l’action européenne. Je n’ai pas voté pour lui, mais les conséquences de son élection sont sans commune mesure avec ce qu’aurait représenté le fait de perdre la présidence de la commission.

La droite en Europe a donc gagné la bataille décisive, pour pouvoir faire entendre la voix des électeurs qui lui ont fait confiance le 26 mai dernier. Ursula von der Leyen, membre de notre famille politique qui doit prendre la présidence de la Commission européenne, est venue dès le lendemain de sa nomination échanger avec notre groupe ; nous pourrons travailler avec elle pour traduire concrètement les engagements pris pendant notre campagne. Nous pouvons également être heureux de la nomination de Christine Lagarde, également issue de notre famille politique et dont la compétence est unanimement reconnue.

Malgré ces succès décisifs, les événements des derniers jours ont marqué un profond recul pour la transparence démocratique de la vie publique européenne ; et le premier responsable de ce recul est notre Président de la République

Comme les autres familles politiques en Europe, le PPE avait élu un candidat pour la présidence de la Commission et l’avait présenté bien avant l’élection du 26 mai, pour permettre aux citoyens de faire leur choix en connaissance de cause, et pour rendre ainsi plus lisibles et plus démocratiques les nominations européennes. Par hostilité envers notre famille politique, Emmanuel Macron s’est opposé à ce processus, et a rendu impossible la désignation de Manfred Weber, qui bénéficiait pourtant de cette indéniable légitimité démocratique. La conséquence de ce blocage a été cette succession de sommets incompréhensibles par les citoyens, et un processus de désignation entre chefs d’Etat qui s’est déroulé dans l’opacité et la confusion la plus totale. Derrière la mise en scène du “nouveau monde”, l’Europe a subi un grand pas en arrière, et la France sort malheureusement de cette séquence encore un peu plus discréditée auprès de nos partenaires européens.

Notre délégation française a donc maintenant une responsabilité décisive. Comme je vous l’ai raconté dernièrement, nous avons travaillé sans relâche au cours des dernières semaines pour avoir les moyens d’agir. Au-delà des résultats déjà obtenus, Anne Sander a été élue ce matin premier Questeur du Parlement européen. Par ce travail patient et déterminé, nous avons montré notre influence, et gagné une vraie capacité d’agir sur les choix essentiels à venir.

Nous nous attacherons ainsi à faire entendre la voix des électeurs français au sein de notre groupe parlementaire, qui aura donc les leviers les plus importants pour agir au cours des prochaines années.

François-Xavier Bellamy

Premier mois de mandat crucial au Parlement européen

Chers amis,

Il y a près d’un mois que je ne vous ai pas donné de nouvelles, depuis la fin de cette campagne si intense : il fallait bien sûr prendre un peu de recul, et surtout se plonger dans ce nouveau mandat, qui ne nous a pas laissé un jour de répit depuis le 26 mai. Ce premier mois a été crucial en effet : notre groupe parlementaire s’est constitué et organisé, pour que le Parlement soit prêt à travailler dès le début officiel de la première session, qui aura lieu à Strasbourg le 2 juillet.

Malgré le contexte si difficile que nous connaissons, ce premier mois a été l’occasion de réussir les étapes nécessaires pour pouvoir agir efficacement demain. Nous sommes désormais huit élus français au sein de la droite européenne, le PPE ; nous avons obtenu d’être présents dans toutes les commissions qui traitent des sujets prioritaires, afin de pouvoir mener à bien le programme que nous avons défendu ensemble tout au long de la campagne. Arnaud Danjean a été élu vice-président de notre groupe parlementaire, le plus important de ce nouveau Parlement avec 180 députés, ce qui nous permettra d’orienter le cap des décisions futures. Et à ce titre, il a déjà pris une responsabilité décisive dans les négociations importantes qui sont menées actuellement pour définir les objectifs de ce prochain mandat.

Obtenir ces leviers si utiles pour pouvoir agir dans les cinq ans qui viendront : cela n’avait rien d’évident après le résultat décevant que nous avons connu. Il a fallu travailler sans relâche, pour être capables de faire entendre votre voix au sein de notre groupe et du Parlement dans les années qui viendront. C’est ce travail qui m’a occupé pendant les semaines passées, et je suis très heureux que mes colistiers m’aient fait confiance pour cette mission en m’élisant à l’unanimité à la tête de notre délégation. Malgré l’adversité, nous restons unis pour pouvoir servir les causes que nous avons défendues ensemble pendant cette campagne, et pour représenter la France au sein de ce groupe parlementaire où se joueront tant de décisions importantes pour notre avenir.

Je ne manquerai pas de vous en dire plus sur la suite de ce travail, et sur le contexte actuel… En attendant, pardonnez-moi de n’avoir pu répondre encore aux très nombreux messages, si chaleureux, que vous avez été nombreux à m’adresser ; les semaines à venir me laisseront j’espère plus de temps pour vous écrire. Soyez déjà certains que je garde à l’esprit et au coeur chacun de vos signes de soutien et d’encouragement ! C’est vous qui me donnez l’énergie, après cette longue et dense campagne, de mener aujourd’hui ces batailles plus discrètes mais si nécessaires à l’utilité de notre mandat. Votre confiance est la raison d’être de notre engagement ! Merci encore, et à très bientôt pour plus de nouvelles…

Élections européennes 2019 : message de fin de campagne

Chers amis,

Je voudrais commencer par remercier de tout cœur les électeurs qui nous ont accordé leur confiance. Dans le duel qu’on cherchait à leur imposer, ils ne se sont pas résignés ; ils ont voulu voter pour leurs convictions, pour le projet que nous portions, et je leur en suis infiniment reconnaissant.

Cette élection européenne a été transformée en un référendum national. Je suis fier d’avoir, avec toute notre équipe, parlé de l’avenir de notre pays en Europe, alors que tout était fait pour détourner ce débat pourtant si nécessaire. Je voudrais remercier Agnès, Arnaud, chacun de mes colistiers, et les élus qui nous ont accompagnés.

Malgré la campagne intense que nous avons menée, nous n’avons pas réussi à faire entendre aux Français notre vision et nos propositions.

Le second enseignement que je tire de ce résultat, c’est la crise profonde que traverse notre démocratie. Aujourd’hui, nous pouvons nous accorder sur un constat : de très nombreux électeurs se sont exprimés d’abord pour voter contre – voter contre la politique menée par Emmanuel Macron, ou contre le risque de voir monter le Rassemblement National. Or une démocratie ne peut trouver un équilibre durable quand elle n’offre que des élections par défaut, quand un bulletin de vote ne sert qu’à éliminer. Chaque jour de cette campagne, sur le terrain, j’ai perçu les tensions profondes qui traversent notre société. Nous ne pouvons laisser la France s’enliser dans ce désespoir politique.

Cela montre l’ampleur de la tâche à accomplir. La droite traverse une crise très profonde. Tout est à reconstruire. Lorsque Laurent Wauquiez m’a proposé d’assumer cette mission, je savais que la tâche serait très difficile. Si je l’ai acceptée, c’était pour tenter de contribuer à refonder une proposition politique qui puisse susciter de nouveau la confiance des Français. Ce travail est devant nous. Nous le devons, non à la droite, mais à la France, pour lui offrir cette espérance que nous n’avons pas su partager avec elle au cours de cette campagne. C’est le moment d’être fidèles et courageux. Je veux dire à tous ceux qui, pendant les dernières semaines, nous ont dit leur confiance et leur attente, que je m’engagerai de toutes mes forces pour servir ce travail de fond qui nous attend.

François-Xavier Bellamy

Entretien avec Valeurs Actuelles à la veille de l’élection européenne

Entretien paru dans Valeurs Actuelles, mai 2019. Propos reccueillis par Tugdual Denis, Geoffroy Lejeune, Raphaël Stainville.

Dans un entretien récent avec Valeurs actuelles , Nicolas Dupont-Aignan vous accuse d’être « un rabatteur de voix » pour Emmanuel Macron et le énième représentant de « la droite qui trahit ». Comment réinstaurer la confiance ?

La cohérence de M. Dupont-Aignan est difficile à cerner : il n’a cessé de changer de discours au fil des ans. Jean-Frédéric Poisson, qui a fait campagne avec lui, dit que le cœur de son système repose sur le mensonge : je le crois, en effet, au rythme des calomnies qu’il ne cesse de répandre sur nous. Cela étant dit, je comprends le ressort de cet argument. La droite a souvent déçu et beaucoup se demandent si elle saura se relever de ses incohérences passées. Je sais que les déceptions ont été fortes et qu’il faudra reconstruire la confiance patiemment, humblement, par un travail de fond. Je ne vois pas d’autre option : qu’est-ce que les à-coups individuels de M. Dupont-Aignan ont apporté à notre pays ? Pour moi, je suis trop libre pour servir d’alibi, d’autant plus que je ne suis pas attaché à une carrière politique et que je n’ai pas sollicité cette investiture. J’ai accepté la mission qui m’était proposée parce qu’on ne peut pas déplorer la crise où nous sommes et refuser ensuite de contribuer à reconstruire.

Édouard Philippe a raillé, dans le Figaro, précisément « la droite Trocadéro » qui avait choisi François Fillon. Vous vous en revendiquez, au contraire ?

Cette sortie du Premier ministre est symptomatique d’un vieux réflexe du politiquement correct, qui consiste à insulter la droite quand elle ose être fidèle à ses convictions et à ses électeurs. Édouard Philippe applique aujourd’hui une politique qui correspond à tout ce à quoi il s’était supposément opposé durant sa carrière. Je préfère être de la droite qui reste constante que de celle qui s’enorgueillit de se dissoudre dans la gauche. Aujourd’hui, Édouard Philippe soutient une liste dont le numéro 2, Pascal Canfin, a refusé d’embarquer dans un avion quand il était ministre de François Hollande, sous prétexte qu’un Malien condamné pour viol s’y trouvait pour être extradé. Une liste dont le projet est de dépenser toujours plus d’argent public et de créer de nouveaux impôts… Une liste parrainée par Daniel Cohn-Bendit, Élisabeth Guigou et Ségolène Royal. Cela n’a plus rien à voir avec la droite !

De ce point de vue, le politiquement correct est une machine qui ne cesse de s’étendre. Le sentiment qu’il est de plus en plus difficile d’exprimer un désaccord sans être voué aux gémonies alimente une frustration politique indéniable. C’est pourquoi le politiquement correct me semble être l’un des carburants qui alimentent ce qu’on s’obstine à appeler le populisme sans jamais vraiment le définir.

À quoi peut concrètement servir un député européen qui s’engage à préserver notre civilisation ?

L’Europe, ce ne sont pas seulement des traités ou une organisation administrative, mais d’abord un héritage à transmettre et à sauver de tout ce qui nous fragilise aujourd’hui. Le défile plus important, c’est la fracturation de notre société : nous devenons une juxtaposition de communautés qui ne se reconnaissent plus de liens, une addition d’individus qui poursuivent leurs propres calculs. Nous avons su construire un marché commun, qui peut être un atout décisif dans la mondialisation ; mais l’Europe ne peut pas se réduire à un marché. La réduction de la politique à l’économie nous piège dans le consumérisme et nous empêche d’agir pour préserver notre modèle de civilisation : il faut pourtant le redire, nous ne sommes pas que des consommateurs préoccupés de leur seul intérêt.

N’est-il pas plus facile de lutter contre cela en tant que candidat, à l’heure des discours, que durant le mandat, à l’heure de l’action ?

Non, cela se traduit très concrètement. Je m’engagerai personnellement en allant dans les capitales européennes pour défendre une initiative commune contre la GPA et contre l’eugénisme. Ce qui est en jeu, ce sont les nouveaux modèles contre lesquels l’Europe doit peser : celui du tout-marchand américain, qui fait que l’on peut, en contournant la loi européenne, choisir des bébés sur catalogue dans des cliniques aux États-Unis ; celui de la Chine, qui a annoncé, il y a quelques semaines, que pour la première fois des enfants génétiquement modifiés étaient nés. Réussir cette course contre la montre pour interdire la marchandisation du corps, empêcher l’eugénisme, faire comprendre que le transhumain ouvrirait un monde inhumain, voilà un enjeu de civilisation absolument décisif. La voix de la France est malheureusement sans doute trop isolée, trop faible et trop passive aujourd’hui, pour pouvoir faire contrepoids à ces grandes forces.

Vous prendrez donc votre bâton de pèlerin pour vous rendre au Portugal, en Suède, en Espagne, ou en Hongrie ?

Oui, il est temps de parler d’une seule voix. On doit, dans notre droit français, continuer à interdire la GPA. Mais cette interdiction est fragilisée si, dans l’espace européen, nous avons des législations différentes sur cette question. Notre droit est sans arrêt contourné et violé. Il faut donc qu’on arrive à se mettre d’accord entre nous.

L’enjeu est essentiel. Nous sommes la première génération dans l’histoire qui devra décider de l’avenir de la condition humaine. C’est fascinant et vertigineux. Tout cela se joue aujourd’hui : les grandes entreprises américaines investissent massivement dans la recherche pour dépasser les limites de la condition humaine. En Chine, une stratégie d’État voudrait mettre l’homme au service d’une course à la performance qui le détruira de l’intérieur. Si nous sommes les héritiers des Grecs, qui répondaient à la tentation de l’hubris par la juste mesure d’Aristote ; si nous sommes les enfants de l’école du droit naturel que les Romains ont développée ; si nous sommes à la hauteur de cet effort de la pensée chrétienne qui a mûri le caractère inaliénable de la dignité humaine, alors il faut faire de la voix de l’Europe le contrepoids indispensable à ces forces de destruction de l’homme. Si on croit à la politique, c’est l’enjeu le plus important des années qui viendront.

Parmi les périls qui nous guettent, celui de l’islamisme se développe-t-il en raison de la passivité du progressisme ?

Je l’ai dit durant tous nos meetings : on ne peut pas regarder nos malheurs comme s’ils venaient uniquement de l’extérieur. L’islamisme ne fait que remplir le vide que le consumérisme individualiste a laissé derrière nous. On a expliqué aux jeunes qu’il n’y avait pas de culture française, que l’Europe n’avait pas de racines, que notre seule identité était la diversité. Que les grandes conquêtes sociales de demain consistaient à pouvoir pousser son Caddie au supermarché même le dimanche. Et à la fin, on s’étonne qu’ils cherchent une transcendance de substitution… Le plus grand besoin d’un jeune n’est pas de trouver une raison de vivre, mais une raison de donner sa vie. L’émotion provoquée par le don absolu des commandos Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, comme celui d’Arnaud Beltrame, dit tout de la soif qui habite les cœurs. Si l’on s’en tenait aux critères que notre société individualiste se fixe, cela n’aurait aucun sens ! Emmanuel Macron avait dit : « Il faut que les jeunes Français aient envie de devenir milliardaires. » En réalité, ce sont des jeunes capables de défier tous les calculs, de se donner jusqu’au bout qui font notre plus grande reconnaissance, en sauvant notre pays de ce repli individualiste. L’histoire de ces vies, ce n’est pas l’émancipation de l’individu, c’est au contraire la force du lien qu’elles se reconnaissent avec les inconnus qu’il s’agissait de sauver.

Vous êtes donc étonné que cette société finisse par reconnaître leur valeur ?

Je ne suis pas étonné, je suis émerveillé. Cela montre qu’au cœur du cœur humain, il y a cette soif de se donner, pourtant si méprisée par le monde contemporain. L’époque d’Adopte un mec et de Tinder n’empêchera pas qu’on admire plus que tout le don total de soi. Et cela prouve que l’espoir est possible. Les progressistes ne nous comprennent pas. Dire que la société contemporaine est individualiste, ce n’est pas un jugement moral : il n’y a sans doute pas plus d’égoïsme ou moins de générosité aujourd’hui qu’hier. L’individualisme est une métaphysique du calcul solitaire. Mais avec le drame de Notre-Dame, quelque chose fait échec à cette logique : le général de la brigade des sapeurs pompiers de Paris, avec qui j’ai discuté deux jours après l’incendie, m’a confié qu’aucun de ses hommes n’avait posé de question ou eu de mouvement de recul au moment de monter dans les tours de la cathédrale, alors même que celles-ci pouvaient s’écrouler. Ces hommes ne montaient pas pour sauver des vies mais des pierres, qui sont le signe de cet héritage qui nous précède et nous relie.

Cet incendie a-t-il agi comme un signe dans votre campagne, vous qui vous voulez le candidat de la mémoire ?

Cela nous a rappelé de façon sensible la raison même de notre engagement. En voyant Notre-Dame brûler, nous avons tous eu l’impression de voir brûler une part de notre culture commune, de ce patrimoine matériel mais aussi immatériel que nous savons à la fois magnifique et vulnérable. J’ai toujours été touché par cette confession d’Alain Finkielkraut, qui affirme avoir appris à mieux aimer la France non plus seulement pour sa grandeur, mais de l’amour qu’on porte à ce qui est fragile et menacé.

Êtes-vous surpris de constater qu’après les polémiques soulevées lors de votre entrée en politique, les critiques se soient taries ?

J’ai d’abord été un peu stupéfait de la disproportion des polémiques. Et, je le dis très simplement, je regarde maintenant avec un peu d’étonnement l’excès d’éloges dont je suis parfois l’objet. La démesure dans ces jugements si rapides ne doit pas faire oublier l’essentiel. Le plus important reste à venir : reconstruire la confiance qui a été profondément érodée dans la politique et dans notre famille politique. Bien au-delà d’une personne, l’enjeu est immense. Dans cette société atomisée, nous avons besoin de retrouver du lien. Dans cette société matérialiste, nous avons besoin de retrouver des idées.

Vous arrivez avec votre bienveillance, à rebours des postures habituelles… Est-ce une nouvelle manière de faire de la politique ?

Je n’ai pas cherché à jouer un rôle ou à calculer une attitude, je suis resté moi-même. Mais c’est intéressant de voir les témoignages des gens à la fin des réunions publiques, les courriers qu’ils écrivent… Beaucoup expriment leur désir de prendre de la hauteur, de retrouver de la sérénité. Ce qui me frappe le plus, c’est de voir des gens qui pleurent à la fin des réunions publiques. Beaucoup de Français se sentent perdus, désespérés, ont le sentiment de ne plus être entendus et de ne plus maîtriser leur avenir. Il y a une immense inquiétude collective.

L’orateur rompu aux meetings politiques agite des stimuli pour enflammer les foules. Vous, vous laissez une large place au silence…

J’avoue que j’ai toujours du mal à entendre scander mon nom. Ce que je trouve le plus beau dans les réunions publiques, c’est de tenter d’emmener les gens avec soi pour mieux comprendre avec eux nos échecs et nos espoirs. Hier soir, nous étions à côté d’Angers. Nous avons parlé du défi économique et commercial devant lequel l’Europe se trouve, de la manière de retrouver notre place dans la mondialisation, des moyens de sortir de la crise et de redonner de l’oxygène à ceux qui travaillent… Nous vivons une crise profonde du travail. C’est un sujet technique, économique ; mais c’est aussi parce que nous avons perdu le sens du travail, en faisant systématiquement le choix de la consommation. Et j’ai repris un passage de Péguy que j’avais déjà risqué dans un meeting un peu plus tôt. C’est une vraie joie de sentir la densité du silence, l’attention des gens qui trouvent dans ces lignes des mots pour comprendre ce qu’ils veulent retrouver. [Il récite] « J’ai vu toute mon enfance rempailler des chaises exactement du même esprit et du même cœur, et de la même main, que ce même peuple avait taillé ses cathédrales. Il fallait qu’un bâton de chaise fût bien fait… »

Lorsque le Monde, après des semaines de campagne, vous met en une et titre sur « les habits neufs du conservatisme », cela infirme l’idée qu’il n’y aurait en France que des populistes ou des progressistes…

Oui, ce faux débat entre progressistes et populistes est scandaleux. Si on regarde les sondages, en prenant en compte l’abstention, moins de 20 % des Français se reconnaissent dans l’un ou l’autre de ces camps. Mais Emmanuel Macron sait que la seule personne qui pourra le sauver, dans trois ans, c’est Marine Le Pen. Il l’installe donc en unique opposante, parce que son seul but est d’empêcher que se reconstruise une alternative crédible à droite, la seule qui pourrait réellement l’empêcher d’être réélu en 2022.

Est-ce la raison pour laquelle Nathalie Loiseau a refusé de débattre avec vous ?

Son seul but est de faire exister Jordan Bardella. Elle prétend que son engagement est de battre le Rassemblement national et, en même temps, le considère comme le seul interlocuteur démocratique valide. Ne parler que d’un combat contre le populisme, c’est une manière pour elle de s’exonérer du bilan dramatique de son parti ou d’éviter de parler des sujets de fond, alors que nous sommes face aux défis les plus importants de notre temps. C’est vrai aussi du RN, qui a totalement changé de discours sur l’Europe… Le seul débat en est réduit à battre Marine Le Pen ou à battre Emmanuel Macron. Les Français n’en peuvent plus de ces élections tristes.

À la fin du mois de février, une dépêche de l’agence Reuters relatant un échange dans lequel vous auriez affirmé pencher pour Jean-Claude Juncker plutôt que Viktor Orbán, Emmanuel Macron plutôt que Marine Le Pen. Dans un long texte sur Facebook, vous avez rétabli votre version, puis dénoncé le mirage d’une souveraineté européenne et accusé les populistes et les progressistes de « s’alimenter mutuellement ». Que vous a enseigné cet épisode sur le rapport à la vérité de la société de l’information ?

Il m’a enseigné qu’au fond nous vivons dans un univers d’artifices, où manque souvent l’exigence intellectuelle de rendre compte de la réalité d’un propos. Ce qui compte, c’est de chercher la petite phrase qui enfermera, quand bien même elle ne dit pas du tout ce que vous cherchiez à exprimer. J’ai éprouvé à cette occasion beaucoup de compassion pour des responsables politiques qu’on a parfois vigoureusement critiqués parce qu’un de leur propos avait été réduit à trois mots… Je comprends que beaucoup aient cédé à la dictature des “éléments de langage” pour se protéger. Mais cela pose une vraie question : quel espace laisse-t-on à la réflexion, au temps qu’elle exige, au sens de la complexité ? Sommes-nous prêts à un dialogue qui cherche à comprendre plutôt qu’à étiqueter ? Quand Jordan Bardella prend une phrase de quarante secondes prononcée sur une radio et qu’il en ressort un extrait de neuf secondes qui me fait dire exactement le contraire de ce que j’exprimais, j’y vois le signe que le débat politique va mal. Je crois au pluralisme : j’ai de vrais désaccords avec lui, mais ça ne m’empêche pas de respecter tous ceux qui s’engagent pour défendre leurs idées. Un enjeu essentiel pour nos démocraties, c’est de sauver la possibilité du désaccord intelligent. Je suis sûr que les Français en sont capables, beaucoup plus que leurs responsables politiques.

À quoi jugeriez-vous que votre campagne a été réussie ? Avez-vous des regrets ?

Les plus beaux moments ont été les rencontres, comme ce matin dans un centre pour enfants autistes, ou pendant les réunions publiques. Une campagne est une occasion rare de mieux connaître la réalité de la France ; mais c’est surtout éprouvant et intense. Je m’accroche au fait qu’il ne reste que quelques jours de campagne… [Rires] J’estimerai que cette campagne aura été réussie quand, dans cinq ans, on aura pu avancer sur les objectifs concrets que nous nous sommes donnés.

En quoi la philosophie vous a-t-elle aidé ?

Marc Aurèle m’a bien aidé… Il faut être un bon stoïcien pour faire de la politique, avec le détachement, la distance et l’engagement que cela impose. Par ailleurs, le fait de rentrer dans la réalité des sujets me tenait vraiment à cœur. Nous avons consacré des réunions publiques à approfondir des questions précises, avec des spécialistes de notre liste, par exemple avec Arnaud Danjean et Frédéric Péchenard sur les enjeux de sécurité et de défense. Nous continuerons d’ailleurs pendant le mandat.

Avez-vous aussi appris sur les rapports humains ?

C’est vrai, la politique est un terrain favorable pour mieux appréhender le cœur humain… On voit tout ce qu’il y a de plus médiocre et de plus décevant parfois, mais je peux vous promettre qu’on y trouve aussi ce qu’il y a de plus noble. J’ai été très marqué par la bienveillance de beaucoup, et par le dévouement et la générosité de tant d’élus. Ce pays tient par l’engagement discret de tant de Français, sur le terrain. Il nous manque un cap qui puisse nous unir de nouveau, mais nous avons tout pour retrouver l’espérance.

À propos de Vincent Lambert (encadré)

Ce qui me frappe, c’est de voir la violence qui s’exprime dans l’affaire de Vincent Lambert, cette instrumentalisation écœurante qui est faite de cette vie blessée et fragile par ceux qui militent pour l’euthanasie et qui défendent ‘le droit à mourir dans la dignité’. Ceux-là mêmes qui déclarent indignes tous ceux qui ne correspondent pas au standard de performance et de réussite qu’on voudrait voir appliquer à une existence humaine légitime pour être vécue. Il y a là une violence insoutenable. Nous sommes devant le grand point de bifurcation qui nous attend : soit on définit la vie comme la force, la force poussée à son paroxysme, soit on reconnaît que la vie, c’est d’abord l’expérience de la faiblesse. Aujourd’hui, nous nous définissons comme des individus consommateurs qui rentrent dans leur vie comme un client devant un catalogue, en voulant avoir toutes les options. Pour ma part, je crois que la vie commence par l’extrême dépendance qu’est l’état d’enfance et qu’elle se termine dans l’extrême dépendance qu’est la vieillesse. Ces deux termes de l’existence nous enseignent que c’est par les brèches de notre capacité d’agir que passe la rencontre avec l’autre et le lien qui nous rattache à lui. Nous sommes tous les débiteurs de ceux qui nous ont fait grandir et nous n’étions pas malades parce que nous étions des enfants. Le regard que l’on porte sur Vincent Lambert aujourd’hui, qui effectivement a besoin d’aide pour pouvoir simplement se nourrir, c’est le regard que nous portons sur notre humanité. Oui, je crois que dans ce débat, on n’a pas concrètement le droit d’exploiter une pareille situation pour propager son idéologie. On devrait se l’interdire, même ! Par ailleurs, on a aujourd’hui un équilibre défini par la loi Léonetti, qui a été votée à l’unanimité du Parlement – ce qui est déjà très rare, et sur un sujet comme celui-ci encore plus exceptionnel. Il y a des vies humaines dont je ne crois pas qu’on puisse dire, sauf à renoncer au sens même de ce qu’est la condition humaine, qu’elles ne sont pas dignes d’être vécues.

« Pour une Europe protectrice de nos territoires », par 33 présidents de départements (L’Opinion)

Texte initialement paru sur l’Opinion.fr.

Nous, Présidentes et Présidents de Département de la Droite et du Centre, affirmons notre soutien à la liste d’union conduite par François-Xavier Bellamy, Agnès Evren et Arnaud Danjean pour les élections européennes.

Chefs de file dans la proximité, des solidarités humaines et territoriales, les départements ont une histoire qui se confond avec la construction républicaine de notre pays. Ces derniers aspirent aujourd’hui, dans le cadre national, à conforter également leur place en contribuant davantage à la construction européenne, issue de la réconciliation franco-allemande.

Aménagement du territoire, accompagnement des publics fragiles, éducation, emploi… les politiques menées par nos départements dans l’ensemble de ces domaines mobilisent fréquemment différents dispositifs essentiels proposés par l’Union Européenne. Le projet porté par les candidats de la liste d’union de la droite et du centre, résumé dans le « Pacte d’engagement » signé le 15 mai 2019, porte pleinement cette ambition. A travers lui, nous y retrouvons l’espérance de notre devise républicaine « Liberté, Egalité, Fraternité », qui, comme la France, doit résonner en Europe.

Liberté: Face aux délocalisations, au chômage et à l’exclusion sociale nous attendons de l’Europe qu’elle soit le levier de libération des énergies créatrices et innovantes au service de la prospérité et de l’emploi. Chacun, salarié ou entrepreneur, doit pouvoir se trouver un avenir là où il a choisi de vivre. Il appartient à l’Europe de protéger nos entreprises ainsi que notre agriculture de la concurrence déloyale. Elle doit être un moteur pour la relocalisation des activités économiques et des emplois dans nos territoires.

Egalité: Face aux fractures multiples (numérique, transports, services publics…) que subissent nos départements, nous attendons de l’Europe qu’elle accompagne, avec les fonds structurels, les projets que nous mettons en œuvre pour les résorber. Il appartient à l’Europe, dans le respect de la subsidiarité, de participer à cet effort collectif pour qu’aucun territoire métropolitain ou d’outre-mer ne soit délaissé et, au contraire, de donner un avenir à chacun d’entre eux.

Fraternité: Face aux risques de désagrégation sociale, de désertification médicale, face au défi que représente la prise en charge de l’autonomie de nos concitoyens en situation de fragilité, l’Europe doit affirmer sa capacité à soutenir l’action des départements. A ce titre, nous estimons nécessaire de revoir la gouvernance dans l’usage du Fonds social européen en y associant davantage les départements en tant que garants de la cohésion sociale. Il appartient à l’Europe de faire de la santé et du handicap de grandes causes à l’échelle de notre continent pour la prochaine mandature.

Il appartiendra également à l’Europe de mieux coordonner des politiques migratoires dignes, justes et responsables. Il faut mettre fin aux renoncements de ces dernières années dont les départements assument les conséquences par la prise en charge d’un nombre grandissant de mineurs non accompagnés.

Enfin, nous formons le vœu que la prochaine mandature agisse dans l’intérêt de nos concitoyens et de nos départements, au sein d’un Parlement européen maintenu à Strasbourg, ville où bat le cœur vibrant de l’Europe

La campagne électorale ne peut être artificiellement réduite à une opposition entre « populistes » et « européistes » : cette confrontation simpliste insulte notre démocratie dont la condition d’existence est l’expression politique de la pluralité des opinions. L’importance des enjeux soulevés par le scrutin du 26 mai prochain mérite bien mieux.

En unissant les talents, l’esprit de renouveau, la diversité des origines géographiques de ses candidats, la liste menée par François-Xavier Bellamy, Agnès Evren et Arnaud Danjean incarne ce rassemblement de la droite et du centre que nous connaissons au sein de nos assemblées et de nos exécutifs départementaux. Pour toutes ces raisons nous les soutenons et appelons à les soutenir.

Cet appel est signé par Jean Deguerry, président du Département de l’Ain, Jean-Marie Bernard, président du Département des Hautes-Alpes, Charles-Ange Ginesy, président du Département des Alpes-Maritimes, Noël Bourgeois, président du Département des Ardennes, Martine Vassal, présidente du Département des Bouches-du-Rhône, Bruno Faure, président du Département du Cantal, Michel Autissier, président du Département du Cher, Pascal Coste, président du Département de la Corrèze, Mickaël Chevallier, président du groupe du centre et de la droite républicaine au Département des Côtes-d’Armor, Christine Bouquin, Présidente du Département du Doubs, Marie-Pierre Mouton, présidente du Département de la Drôme, Serge Descout, président du Département de l’Indre, Jean-Pierre Barbier, président du Département de l’Isère, Clément Pernot, président du Département du Jura, Nicolas Perruchot, président du Département du Loir-et-Cher, Georges Ziegler, président du Département de la Loire, Christian Gillet, président du Département du Maine-et-Loire, Christian Bruyen, président du Département de la Marne, Nicolas Lacroix, président du Département de la Haute-Marne, Claude Léonard, président du Département de la Meuse, Nadège Lefebvre, présidente du Département de l’Oise, Frédéric Bierry, président du Département du Bas-Rhin, Brigitte Klinkert, présidente du Département du Haut-Rhin, Christophe Guilloteau, président du Département du Rhône, André Accary, président du Département de la Saône-et-Loire, Pierre Bédier, président du Département des Yvelines, Gilbert Favreau, président du Département des Deux-Sèvres, Laurent Somon, président du Département de la Somme, Yves Auvinet, président du Département de la Vendée, Bruno Belin, président du Département de la Vienne, Florian Bouquet, président du Département du Territoire de Belfort, François Durovray, président du Département de l’Essonne, Marie-Christine Cavecchi, présidente du Département du Val-d’Oise, Soibahadine Ibrahim Ramadani, président du Département de Mayotte.