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Il est vital aujourd’hui de reconstruire une alternative crédible.

François-Xavier Bellamy au Parlement européen

Entretien paru dans Le Figaro le 27 mai 2020. Propos recueillis par Emmanuel Galiero.

LE FIGARO – Au terme de votre première année de mandat, le PPE vous a désigné pour conduire une réflexion sur la droite. De quoi s’agit-il ?

François-Xavier BELLAMY – Dans un paysage politique de plus en plus fragmenté, la droite n’a plus la vision, la stratégie d’ensemble qui lui permettraient d’être audible. Elle doit se remettre à travailler sur le fond pour retrouver une parole claire. En échangeant avec des élus d’autres pays européens, je vois à quel point la décomposition politique que nous connaissons en France se vérifie ailleurs, en Italie, en Espagne, en Allemagne même : partout on observe le développement de partis contestataires qui concentrent une colère impuissante, la poussée d’un mouvement “vert” qui semble souvent servir une idéologie plus qu’une véritable écologie, ou d’un progressisme totalement déconnecté des aspirations populaires, qui n’arrive qu’à accroître encore les tensions sociales. Dans ce contexte, les partis politiques de droite ne peuvent survivre si leur vision reste incertaine, ambiguë, paresseuse. Beaucoup de nos alliés européens font face comme nous à de vraies difficultés. Après un long débat sur le sujet avec les chefs des délégations nationales du PPE, notre président, Manfred Weber, m’a demandé de conduire un travail de fond pour redéfinir l’identité de la droite en Europe, et notre groupe m’a élu pour mener à bien cette mission. Avec une équipe de députés européens, auquel nous associerons des parlementaires nationaux, nous allons maintenant travailler méthodiquement pour affronter toutes les questions auxquelles la droite n’a pas toujours su faire face. Le but est de produire un texte de fond qui doit être discuté et adopté en novembre, avec l’ambition de contribuer à un nouveau départ, et de parler largement au grand public en Europe. Cela sera un signal fort envoyé à tous ceux qui ont perdu confiance en notre famille politique parce qu’elle semblait incapable de se remettre en question : il est vital aujourd’hui de reconstruire une alternative crédible qui puisse redonner espoir.

Dans ce contexte, les partis politiques de droite ne peuvent survivre si leur vision reste incertaine, ambiguë, paresseuse. Beaucoup de nos alliés européens font face comme nous à de vraies difficultés. Manfred Weber, m’a demandé de conduire un travail de fond pour redéfinir l’identité de la droite en Europe.

Chez Les Républicains, la définition du libéralisme fait débat. Qu’en pensez-vous ?

Il y a en effet un problème de définition. Mais il est difficile d’admettre que notre pays, champion des normes et des prélèvements obligatoires, souffre d’être trop “libéral”. Prétendre que la défaillance de l’Etat dans ses missions régaliennes pourrait être réglée en augmentant la dépense publique, alors que nous sommes déjà les premiers au monde en la matière, relève d’une forme de paresse intellectuelle… En vérité, malgré le dévouement des acteurs de terrain, nous subissons surtout les effets d’une incroyable désorganisation de l’Etat, d’une hyper-administration contre-productive, de la complexité du millefeuille territorial, qui asphyxient l’initiative et déresponsabilisent les corps intermédiaires. Nous devons avoir ce débat sans céder à la démagogie ou au simplisme, mais en osant regarder la vérité en face.

Beaucoup pensent que la droite retrouvera une voix en France quand elle aura trouvé son candidat pour 2022. Quel est votre avis ?

La première urgence, qui concerne le travail de fond, afin de retrouver une ligne claire et solide à proposer demain à la France. Christian Jacob a réuni des équipes thématiques pour avancer sur chaque sujet : sur les questions européennes par exemple, nous échangeons régulièrement avec nos collègues de l’Assemblée et du Sénat, avec des experts… C’est la priorité aujourd’hui. La question de l’incarnation sera bien sûr déterminante, et elle devra évidemment être tranchée le moment venu ; mais ce n’est pas la priorité aujourd’hui.

Que pouvez-vous dire sur le fonctionnement de l’Union européenne aujourd’hui ?

Au bout d’un an de mandat, j’observe que toutes les grandes intuitions de notre campagne se sont vérifiées : nous voulions d’une Europe qui ne se contente plus de créer des normes et des règles de concurrence, mais qui respecte une véritable subsidiarité, tout en retrouvant une vision stratégique dans la mondialisation. Cette perspective est plus urgente que jamais ! Mais je mesure l’ampleur du changement qu’il faut réussir à imposer… Au milieu d’une crise qui a montré que notre autonomie alimentaire était un enjeu crucial, c’est à Greta Thunberg que la Commission demande des conseils pour réformer la politique agricole commune. Et au moment où il apparaît plus nécessaire que jamais de protéger notre marché européen pour retrouver une capacité de produire, le commissaire au commerce extérieur parle de nouveaux accords de libre-échange avec les Etats-Unis ou le Mercosur… L’Union européenne est encore piégée par une vision idéalisée et naïve de la mondialisation : certains nous expliquent que, pour ne plus manquer de masques à l’avenir, il n’est pas nécessaire de retrouver les moyens d’en fabriquer, mais simplement s’assurer d’avoir plusieurs fournisseurs. Au lieu de ne plus dépendre enfin d’autres acteurs, on nous propose de multiplier cette dépendance, comme si les chocs globaux et les rapports de force n’existaient plus ! Les dirigeants européens peinent à prendre conscience que l’histoire est de retour, et qu’il faut se préparer pour ne pas subir les crises futures et la puissance croissante des autres acteurs. L’épidémie actuelle est un avertissement clair : l’avenir de l’Europe dépend des leçons qu’elle saura en tirer.

L’Union européenne est encore piégée par une vision idéalisée et naïve de la mondialisation. Les dirigeants européens peinent à prendre conscience que l’histoire est de retour, et qu’il faut se préparer pour ne pas subir les crises futures et la puissance croissante des autres acteurs.

Ces « dogmes » sont-ils les moteurs de l’élargissement défendu par certains ?

Oui, et c’est d’ailleurs un autre exemple de cette absence de lucidité… En plein milieu de la crise du Coronavirus, Emmanuel Macron a accepté le processus d’élargissement pour l’Albanie et la Macédoine du Nord. Après avoir promis de s’y opposer pendant toute la campagne européenne… C’est un pas de plus dans l’impasse qui a condamné l’Union à tant de paralysie et de dangereuses tensions, notamment sur le plan migratoire, économique, ou même démocratique !

Comment la complexité des institutions européennes s’illustre-t-elle ?

Le Parlement négocie en permanence avec la Commission et le Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement, pour déterminer la législation. Dans cette mécanique institutionnelle, il faut vraiment être un combattant si l’on veut obtenir des avancées. Avec notre délégation, nous avons parfois emporté la décision, par exemple avec la désignation de Thierry Breton au sein de la Commission : malgré les critiques d’Emmanuel Macron, nous avons rendu un vrai service à la crédibilité de la France, qui aurait été fortement atteinte si la commissaire que le Président avait désignée avait été confirmée. Mais dans l’effet d’inertie de cet univers complexe, toute bataille remportée suppose un engagement total.

Malgré ses pesanteurs, l’Union européenne vous semble-t-elle prête à se réformer ?

C’est la grande question. Soit l’Europe changera, soit elle disparaîtra. Si les Européens ne prennent pas toute la mesure de leur vulnérabilité aujourd’hui, ils sortiront de l’histoire. Une Europe obligée d’aller quémander en Chine les produits nécessaires à sa survie, ou dépendante technologiquement des plateformes numériques américaines est une Europe sans avenir, parce qu’elle se rend otage de puissances extérieures qui décideront de son destin.

Avec 500 milliards d’emprunt, le plan de relance franco-allemand vous semble-t-il à la hauteur des enjeux ?

En réalité, ce plan est issu d’un projet que la commission construisait depuis plusieurs semaines. Ce que l’on a beaucoup évoqué, c’est un accord entre la France et l’Allemagne sur ce projet ; mais mettre en scène une discussion à deux ne suffit pas à convaincre les 25 autres… Et quand j’entends Nathalie Loiseau faire la leçon aux pays qui osent s’inquiéter d’un dérapage budgétaire incontrôlé, de la part d’un Etat qui n’a pas su faire un budget à l’équilibre depuis près de cinquante ans, je me dis que décidément LREM n’est pas près d’aider les Français à passer enfin pour moins arrogants, ni plus crédibles… Concernant ce projet d’emprunt européen, je suis très réticent : qui dit emprunt dit responsabilité budgétaire ! Nous rêvons d’asseoir notre endettement sur les excédents de l’Allemagne et des pays nordiques. Mais si nous créons cette solidarité budgétaire, cela impliquera de soumettre nos politiques nationales à un contrôle encore plus étroit de l’échelon européen. La fourmi ne prêtera pas à la cigale sans vérifier qu’elle va arrêter de chanter. Quand on voit le rejet que suscite la règle des 3%, imposée par la simple solidarité monétaire, on comprend qu’Emmanuel Macron n’ait pas parlé aux Français des conditions déjà exigées par l’Allemagne à ce plan de relance… Or s’il nous faut faire des réformes, ce doit être à notre initiative et pour préparer notre avenir, et non sous l’injonction d’une autorité extérieure. La décision budgétaire est l’expression la plus concrète de la responsabilité démocratique : elle ne peut pas être transférée sans une atteinte absolue à la souveraineté d’un pays. Ceux qui voient ici l’occasion de ressusciter le vieux rêve fédéraliste en créant un contrôle de fait des Etats à travers un endettement commun, courent le risque de constituer une nouvelle pomme de discorde, susceptible à terme de faire exploser l’Union européenne. Je crois à une Europe qui renforce nos pays, et non qui les remplace ; de ce point de vue, je le dis depuis plusieurs semaines, il me semble infiniment préférable de mobiliser rapidement le budget européen avec un effet de levier pour que les Etats et les entreprises financent des besoins concrets et urgents, plutôt que de provoquer de longs débats et des tensions profondes sur un endettement commun.

La décision budgétaire est l’expression la plus concrète de la responsabilité démocratique : elle ne peut pas être transférée sans une atteinte absolue à la souveraineté d’un pays. Ceux qui voient ici l’occasion de ressusciter le vieux rêve fédéraliste en créant un contrôle de fait des Etats à travers un endettement commun, courent le risque de constituer une nouvelle pomme de discorde

Comment avez-vous vécu l’épisode du Brexit en janvier ?

Pour la première fois, un Etat membre a choisi de quitter l’Union européenne. On a trop vite oublié ce que cela signifiait. Beaucoup se sont rassurés en affirmant que le Brexit avait gagné grâce à des “fake news”; il y en a eu, comme dans bien des campagnes hélas, et sans doute dans chaque camp. Mais si une majorité de Britanniques a voté pour sortir de l’Union, c’est qu’elle considérait qu’appartenir à l’Union européenne fragilisait leur pays au lieu de le renforcer. Si les Européens ne comprennent pas cela, il y aura d’autres Brexit.

Quelle réflexion vous inspirent Emmanuel Macron et Bruno Le Maire quand ils parlent de « souveraineté nationale » ?

Quelle incroyable contradiction avec ce qui était au coeur même de la vision d’En Marche ! Durant les élections européennes, le responsable du pôle Idées de LREM, Aurélien Taché expliquait que le projet de son mouvement était de transférer la souveraineté française à l’échelle européenne. Un an plus tard, on nous explique qu’il faut repenser la souveraineté nationale. Emmanuel Macron déclarait en 2017 que « le protectionnisme, c’est la guerre » ; maintenant il affirme que délocaliser a été une folie… Il voudrait nous faire croire qu’il se réinvente. En réalité, il me fait l’effet d’un comédien changeant de texte après avoir constaté que la pièce d’avant ne marchait pas. Malheureusement, personne ne peut croire ces revirements. Et la principale victime de ces zigzags idéologiques, c’est la clarté du débat démocratique… Je le répète depuis l’apparition d’En Marche : l’inconsistance du “en même temps” rend impossible une conversation civique claire, qui puisse servir le discernement des Français et exprimer la réalité des clivages qui traversent la société. En adoptant, pour tout projet politique, de médiocres stratégies de communication qui se succèdent dans une incohérence absolue, Emmanuel Macron a profondément dévitalisé notre démocratie, et alimente ainsi les colères qui menacent désormais de la déborder.

Emmanuel Macron voudrait nous faire croire qu’il se réinvente. En réalité, il me fait l’effet d’un comédien changeant de texte après avoir constaté que la pièce d’avant ne marchait pas.

Il vous reste quatre années de mandat européen. Quelles sont vos ambitions ?

Notre boussole est le projet que nous avons défendu pendant la campagne, qui est plus que jamais d’actualité : une Union européenne qui se concentre enfin sur ses missions fondamentales, qui créé les conditions d’une vraie autonomie stratégique pour nos pays dans les secteurs essentiels, restaurant ainsi la capacité de l’Europe à agir face aux crises futures et aux autres puissances mondiales. Pour ne plus subir ce qui lui arrive, comme nous le vivons aujourd’hui, l’Europe doit se souvenir qu’elle n’est pas un projet pour cogérer le déclin, mais une civilisation millénaire indispensable à l’équilibre du monde de demain. Je le crois plus que jamais.

« Tenez bon, tenez ferme, soyez fidèles »

« Tenez bon, tenez ferme, soyez fidèles. »
Il y a un an, au Palais des Congrès. Le message est toujours d’actualité.

Conclusion du discours de François-Xavier Bellamy en clôture du meeting tenu au Palais des congrès de Paris, le 15 mai 2019, à l’occasion de la campagne pour l’élection européenne. Voir le discours en intégralité ici.

Élections européennes 2019 : message de fin de campagne

Chers amis,

Je voudrais commencer par remercier de tout cœur les électeurs qui nous ont accordé leur confiance. Dans le duel qu’on cherchait à leur imposer, ils ne se sont pas résignés ; ils ont voulu voter pour leurs convictions, pour le projet que nous portions, et je leur en suis infiniment reconnaissant.

Cette élection européenne a été transformée en un référendum national. Je suis fier d’avoir, avec toute notre équipe, parlé de l’avenir de notre pays en Europe, alors que tout était fait pour détourner ce débat pourtant si nécessaire. Je voudrais remercier Agnès, Arnaud, chacun de mes colistiers, et les élus qui nous ont accompagnés.

Malgré la campagne intense que nous avons menée, nous n’avons pas réussi à faire entendre aux Français notre vision et nos propositions.

Le second enseignement que je tire de ce résultat, c’est la crise profonde que traverse notre démocratie. Aujourd’hui, nous pouvons nous accorder sur un constat : de très nombreux électeurs se sont exprimés d’abord pour voter contre – voter contre la politique menée par Emmanuel Macron, ou contre le risque de voir monter le Rassemblement National. Or une démocratie ne peut trouver un équilibre durable quand elle n’offre que des élections par défaut, quand un bulletin de vote ne sert qu’à éliminer. Chaque jour de cette campagne, sur le terrain, j’ai perçu les tensions profondes qui traversent notre société. Nous ne pouvons laisser la France s’enliser dans ce désespoir politique.

Cela montre l’ampleur de la tâche à accomplir. La droite traverse une crise très profonde. Tout est à reconstruire. Lorsque Laurent Wauquiez m’a proposé d’assumer cette mission, je savais que la tâche serait très difficile. Si je l’ai acceptée, c’était pour tenter de contribuer à refonder une proposition politique qui puisse susciter de nouveau la confiance des Français. Ce travail est devant nous. Nous le devons, non à la droite, mais à la France, pour lui offrir cette espérance que nous n’avons pas su partager avec elle au cours de cette campagne. C’est le moment d’être fidèles et courageux. Je veux dire à tous ceux qui, pendant les dernières semaines, nous ont dit leur confiance et leur attente, que je m’engagerai de toutes mes forces pour servir ce travail de fond qui nous attend.

François-Xavier Bellamy

Sur une décision importante.

Chers amis,

Après un moment de silence sur cette page, ce simple mot pour évoquer avec vous une actualité politique et une décision qui m’attend, et répondre à vos nombreux messages sur ce sujet.

Il y a quelques semaines, j’ai appris que mon nom était évoqué au sein des Républicains pour mener la liste de ce mouvement aux prochaines élections européennes.

J’ai été bien sûr étonné de cette nouvelle inattendue. Comme vous le savez, après avoir tenté de servir notre pays en prolongeant mon engagement local par une candidature législative, j’ai poursuivi les différentes missions qui m’étaient confiées, auprès de mes élèves, à travers ce métier d’enseignant que j’aime tant, dans mon mandat avec l’équipe municipale à Versailles, ou encore au service des jeunes les plus déshérités au sein d’une association que je dirige bénévolement pour les reconduire vers l’emploi. Cherchant à contribuer, autant que je le puis, à notre vie collective si profondément désorientée, j’ai poursuivi l’aventure lancée avec la belle équipe des Soirées de la Philo, dont le développement partout en France témoigne du besoin de réfléchir et de retrouver un sens, que nous sommes si nombreux à éprouver. Enfin, beaucoup d’entre vous ont partagé avec moi la création de Servir, avec la volonté de repartir ensemble des questions de fond, avec simplicité et sérieux, pour imaginer des solutions concrètes à la crise que nous traversons.

Bref, ce n’est pas la tâche qui manque ! Au milieu de ces activités, je ne pouvais m’imaginer que la perspective de ce nouvel engagement pourrait se présenter.

A l’heure actuelle, la réflexion se poursuit ; les instances des Républicains n’ont pas non plus pris leur décision, et je respecte parfaitement ce temps nécessaire. L’enjeu de ce rendez-vous électoral est immense, dans le moment si singulier que vit notre pays. La fragilité du tissu social dont témoignent les événements récents, l’étendue impressionnante de la défiance envers la vie politique et les institutions chargées de nous représenter – au moment même où nous devons trouver ensemble la force nécessaire pour faire les choix courageux qui sont la condition de notre avenir ; et bien sûr, le carrefour où nous sommes arrivés dans l’histoire de l’Europe : tout cela fait que ce rendez-vous électoral aura une importance décisive pour notre avenir.

Dans cette période de réflexion, j’avais pris le parti de ne pas m’exprimer sur le sujet, mais l’intensification de l’attention médiatique me pousse à partager avec vous cette question. Je mesure l’importance de la responsabilité que représente ce choix ; je ne m’engagerai dans un tel défi que si je peux espérer y être utile à notre pays, en contribuant au renouvellement profond dont nous avons besoin. C’est l’unique critère que j’ai à l’esprit et au cœur dans cette décision.

Je mesure l’importance de la responsabilité que représente ce choix ; je ne m’engagerai dans un tel défi que si je peux espérer y être utile à notre pays, en contribuant au renouvellement profond dont nous avons besoin. C’est l’unique critère que j’ai à l’esprit et au cœur dans cette décision.

Je vous en dirai plus bientôt. D’ici là, même si certains le voudraient, je ne répondrai pas au petit jeu stérile des critiques et des caricatures qui, malgré l’ampleur de l’enjeu, n’a pas attendu… Cela n’a aucune importance. Pour l’instant il faut ménager les jours qui viennent pour prendre la meilleure décision, avec sérénité, afin de pouvoir l’assumer ensuite avec une vraie détermination ; si ce défi doit être relevé, alors viendra le temps de l’action, et le moment de tout donner pour réussir. Quoiqu’il arrive j’espère que nous serons nombreux aux rendez-vous qui nous attendent, quels qu’ils soient, car jamais l’énergie d’un seul ne pourra suffire à reconstruire ! Je vous suis déjà infiniment reconnaissant des signes de soutien et de confiance que vous m’envoyez ou que beaucoup d’entre vous publient sur les réseaux sociaux, et qui me touchent profondément.

Il me reste à saisir cette occasion pour souhaiter à chacun d’entre vous, de tout cœur, une très belle et heureuse année, ainsi qu’à vos familles et à tous ceux qui vous entourent. Souhaitons qu’elle soit, autant que possible, une année de paix et de vérité pour notre pays, qui en a tant besoin ; et espérons qu’elle nous donnera l’occasion d’y contribuer, dans chacun de nos engagements. Pour ce qui me concerne, la vie continue avec le travail du quotidien, et je poursuis mon itinéraire pour répondre aux invitations suscitées par Demeure… Je vous tiendrai au courant ici des prochaines rencontres.

Bonne année, et à très bientôt !

Fxb

Entretien pour FigaroVox

Texte complet de l’entretien paru sur le site du Figaro le 30 mai 2015. Propos recueillis par Vincent Tremolet de Villers.

Le principal parti de droite, l’UMP est en congrès ce week-end. Il devrait changer de nom pour s’appeler les Républicains. Que vous inspire ce nom ?

L’urgence, me semble-t-il, c’est de parler de la France… Je ne crois pas que ce soit en parlant de formes institutionnelles, qui en elles-mêmes ne garantissent rien, que l’on retrouvera l’élan dont notre politique a besoin. De toutes façons, ce nom n’est qu’un élément de communication ; le seul sujet devrait être celui du projet que cette formation choisira de porter. Cette polémique est symptomatique de la crise politique actuelle : quand une étiquette devient le sujet du débat, c’est qu’on a laissé l’essentiel pour l’accessoire. Au lieu d’être un outil au service de l’action, la communication est devenue le centre d’intérêt d’un univers politique vidé de tout contenu, coupé de la réalité des problèmes. Débattre du nom d’un parti, dans la situation actuelle de notre pays, c’est se passionner pour le morceau que doit jouer l’orchestre au moment où le Titanic coule.

Pierre Nora, dans Le Figaro, affirme que « la basse intelligentsia » se radicalise à gauche et que la « haute intelligentsia » penche vers une réaction conservatrice. Partagez-vous cette analyse et si c’est le cas, pensez-vous que les politiques ont pris la mesure de ces nouvelles orientations ? 

Je ne saurais pas distinguer précisément ceux que Pierre Nora désigne ainsi. Mais une chose semble sûre : tous ceux qui tentent de réfléchir lucidement sur la situation que nous vivons, qu’ils soient de droite ou de gauche, constatent qu’il est impossible de se résigner plus longtemps au mouvement de déconstruction systématique auquel nous sommes livrés. Déconstruction de notre héritage culturel, de nos repères anthropologiques, des liens qui font une société, des conditions même de l’activité économique… Cette prise de conscience partagée, les intellectuels en témoignent singulièrement : quand des personnalités aussi importantes et aussi différentes que Pierre Nora, Pascal Bruckner, Alain Finkielkraut, Régis Debray, Michel Onfray et d’autres encore, en viennent à partager ce même diagnostic, c’est qu’il se passe quelque chose ! Mais à cette prise de conscience, la gauche au pouvoir ne répond qu’en se raidissant dans le sectarisme et l’insulte.

Pourquoi la gauche, selon vous, perd-elle de son hégémonie intellectuelle ?

Nous assistons peut-être à la fin d’un cycle, aux dernières conséquences de la chute du mur de Berlin. En voyant s’effondrer l’idéologie communiste, la gauche française a perdu la grille d’interprétation qui sous-tendait ses projets et ses débats. Maintenant, il ne nous reste plus que François Hollande, qui écrit des discours sur la résistance après avoir rendu visite à Fidel Castro : en fait, quand un président de gauche exprime sa « fascination » pour un dictateur criminel et multimillionnaire, on comprend que sa famille politique a arrêté de penser depuis bien longtemps… Du coup, privés de boussole, les socialistes renient point par point tout leur héritage politique : l’école de Jules Ferry est mise au service d’une rééducation idéologique plutôt que de la transmission du savoir à toutes les classes sociales. Une rhétorique sécuritaire justifie la légalisation d’un appareil de renseignement quasi-totalitaire. Le développement économique et écologique consiste à laisser s’écrouler les infrastructures ferroviaires de territoires entiers, pour les remplacer par des transports en cars. Et le dernier grand projet d’émancipation socialiste est la GPA, qui étend le règne du marché jusqu’au ventre des femmes et aux enfants vendus sur catalogue… On comprend qu’il soit difficile, avec une telle gauche, de rester un « intellectuel de gauche » !

La droite est-elle toujours, selon vous, sous la domination intellectuelle de la gauche ?

Malheureusement, la droite semble toujours incapable, aujourd’hui, de se définir autrement que comme une version plus lente de la gauche… Ce que le parti socialiste définit comme un « progrès », en dépit du bon sens et parfois même des plus grandes valeurs de la gauche, finit tôt ou tard par être accepté par la droite. De ce point de vue, l’enjeu des prochaines années est double. Il s’agit d’abord de savoir si les responsables politiques qui prétendent incarner une alternance seront capables de s’appuyer sur l’évolution significative du paysage intellectuel, et sur les nouvelles formes d’engagement qui sont nées ces dernières années à la faveur des débats très profonds qui ont traversé notre société. Et, second enjeu, s’ils sauront s’affranchir ensuite des interdits et des mimétismes qui, largement forgés par la gauche, pesaient jusque là sur le débat public. Il y a du chemin à faire…

Vous avez combattu la réforme du collège. A-t-elle selon vous fracturé le pays ? 

Le débat n’est pas terminé ! Cette réforme a, au contraire, permis de réunir dans une opposition lucide et réfléchie des hommes et des femmes qui, jusque là, n’avaient jamais milité ensemble… Il suffit de constater l’unité inédite des syndicats jusque là très éloignés, et qui sur ce sujet ont su parler d’une seule voix. La vraie fracture est causée par le gouvernement qui, là encore, s’est imposé comme par effraction, en refusant d’écouter et de dialoguer, dès la préparation de cette réforme. Il faut maintenant que les Français se joignent massivement aux enseignants qui vont se mobiliser à nouveau : l’école est notre bien commun le plus précieux, et son avenir nous concerne tous… Il faut la rendre à sa mission, la transmission du savoir et de la culture à tous les enfants – à commencer par les plus déshérités, qui, si l’école ne leur apprend plus rien, ne s’en sortiront jamais. Ne laissons pas détourner notre éducation nationale par l’entêtement brutal de ce gouvernement, et l’idéologie de quelques experts qui nous ont conduit à l’échec actuel. L’opinion est majoritairement opposée à cette réforme ; mais puisque les sondages ne sont pas entendus, maintenant il faut venir le dire dans la rue !

La droite aussi est coupable de la déréliction de l’école ? 

A l’évidence… Sur la question de l’école, les politiques de droite comme de gauche sont dans une continuité parfaite ; en fait, la seule différence entre les deux camps consiste à supprimer ou à créer des postes d’enseignants. Mais le désintérêt total pour l’enseignement, la déconstruction de la transmission, l’appauvrissement des savoirs mesurés désormais à l’aune de leur utilité immédiate dans la vie professionnelle, la fascination pour les équipements numériques qui remplaceraient l’apprentissage et la mémoire, tout cela a caractérisé aussi bien cette majorité que la précédente. Il est vrai que l’influence de la gauche s’est singulièrement exprimée dans l’éducation nationale. Mais plutôt que de proposer une autre vision, la droite a préféré fermer les yeux ; plutôt que de transformer en profondeur la formation des enseignants, par exemple, elle l’a purement et simplement supprimée. C’est le signe qu’elle n’avait pas d’autre perspective à offrir.

Votre livre vous a fait faire un long et grand tour de France. Que vous inspire cette France qui se sent déshéritée ?

Je suis d’abord frappé d’être autant sollicité : après ce travail très humble que j’ai tenté de mener pour comprendre la crise éducative qui marque notre pays, j’ai reçu des appels qui ne cessent pas depuis, et je suis allé dans des dizaines de villes à la rencontre de parents, d’enseignants, d’associations… Ces conférences qu’on me propose rassemblent toujours beaucoup de monde, un public à la fois inquiet, conscient de la réalité de cette crise, et désorienté par une parole politique perçue comme vide de sens et déconnectée du réel. Il y a chez les Français, au-delà de toutes les diversités locales, une aspiration très profonde, le besoin de comprendre la situation, de délaisser le bruit de fond souvent superficiel de l’information continue pour parler enfin de l’essentiel. Quel avenir voulons-nous vraiment construire ? Que voulons-nous laisser à nos enfants ? Le débat public, si souvent centré sur des enjeux de personne, de camps, de com, est incapable de mettre des mots sur ces questions. C’est là sans doute, au fond, l’une des véritables causes de la crise que nous traversons.

Les attentats de janvier ont traumatisé la France et finalement divisé le pays. Que vous inspire cette atomisation ?

Là aussi, c’est la pauvreté du débat public qui cristallise des oppositions. Nous aurions pu les éviter en suscitant des occasions de partager nos opinions, nos questions, nos inquiétudes ; mais le slogan « Je suis Charlie » a étouffé tout débat. Le patron d’une radio le disait récemment sur France Info : « On ne peut pas ne pas être Charlie. » Mais qu’est-ce que cela veut dire, au juste ? La défense de la liberté d’expression s’est muée en une forme de dogme irréfléchi et coercitif ; et à cause de ces ambigüités entretenues, ce moment décrit comme une communion nationale est aujourd’hui le dernier objet de polémique… Nous ne ferons pas l’économie d’un vrai débat, clair, consistant, exigeant, sur les conditions d’un renouveau de notre vie démocratique ; car la forme des institutions ne suffit pas à garantir la démocratie. Pour beaucoup de jeunes notamment, ces dernières années n’auront pas manqué d’occasions de prendre conscience de cela, à commencer par ce référendum détourné dont nous venons de marquer le triste anniversaire. Pour en revenir à ce nom des « républicains », disons qu’il ne suffit pas d’être en République pour pouvoir être encore vraiment membre et héritier de la res publica, de ce bien commun qui nous relie, et dont tant de Français aujourd’hui se sentent douloureusement dépossédés.

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Il faut redire ce qu’est la France

Illustration : Qu'est-ce que la France

Qu’est-ce que la France ? Tribune publiée dans le Figaro du 13 février 2015.


L’élection législative partielle du Doubs aura-t-elle joué le rôle d’une répétition générale, deux ans avant le rendez-vous de 2017 ? Il est encore trop tôt pour le dire, bien sûr. Mais une chose est déjà certaine : si la droite veut jouer un rôle dans ce rendez-vous, il faudra d’abord qu’elle soit capable de parler à ceux qui veulent encore espérer. Et rien n’est moins acquis aujourd’hui…

Il faudra qu’elle soit capable de nommer vraiment les problèmes que notre pays rencontre, de les désigner par leur nom, avant même de proposer un catalogue de solutions. Il faudra qu’elle soit capable, surtout, de parler de notre pays, car c’est sans doute l’urgence première.

Discours du vide

Qu’est-ce que la France ? A cette question, la gauche répond par le vide, la vacuité de ces « valeurs de la République » dont on ne sait ni d’où elles proviennent, sur quoi elles se fondent, ni qui a droit d’en établir la liste exhaustive pour y « former » les citoyens de demain. Une liberté d’expression vidée de toute signification, et dont chaque jour permet de mesurer les évidentes asymétries. Une laïcité superstitieuse, plus proche de la pensée magique que d’un principe raisonnable de vie commune. L’incantation de l’unité nationale, brandie de manière coercitive par ceux qui depuis des années ont transformé en progrès tous les caprices solitaires d’un individualisme inconséquent. Que fonder encore sur des « valeurs » qui sonnent si creux, et depuis si longtemps ?

Aux illusions qu’entretient la majorité, il n’y a que l’opposition qui veuille croire encore… Quelle tristesse de la voir faire allégeance à ce discours du vide que la gauche a consacré – discours ressuscité, comble de l’ironie, à la faveur de la catastrophe qu’il a contribué à produire ! C’est parce que, depuis un demi-siècle, nous ne savons plus dire ce qu’est la France, que de jeunes Français finissent par se retourner contre elle, pour avoir trouvé ailleurs une raison d’être et une cause à servir. C’est parce que nous leur avons trop bien appris à détester leur pays qu’ils en arrivent à le trahir.

Qu’est-ce que la France ?

Face à cela, la droite semble condamnée au mutisme. Quel drame que ses dirigeants s’autocensurent, par peur sans doute de déroger aux conformismes du moment, quand tous les Français leur crient un besoin de cohérence, de sens et de clarté ! Les revirements tactiques incessants des responsables de l’UMP, sur des questions aussi décisives que le mariage, la filiation, la nationalité, ou la place du travail dans notre société, ne sont que le symptôme du même vide : comment espérer alors qu’une majorité un jour adhère à ce qui fluctue sans cesse au gré des diktats d’une pseudo-modernité ?

Si l’on préfère, plutôt que de poser des fondements stables et clairs, se « positionner » sans cesse par rapport au FN ou au PS, on les laisse définir les termes mêmes du débat, et il faudra bientôt s’habituer à n’avoir plus d’autre rôle à jouer que celui de spectateur impuissant, réduit au ridicule du « ni-ni. » A ceux qui ne savent rien affirmer, il ne reste plus bientôt que d’inutiles négations.

Qu’est-ce que la France ? Il y a quelques semaines, je recevais un message émouvant de Ladji, un jeune malien de 22 ans. Depuis son pays, il me disait sa passion et sa reconnaissance pour la culture française, « mélange subtil d’Homère et de la Bible. » Voilà ce qu’il faudrait donner à nouveau à aimer, par l’école, par la politique culturelle, par une vision bien établie de l’homme et de la société qui irriguerait ensuite la cohérence de nos choix collectifs. Voilà ce que nos politiques devraient, avant tout, s’employer à reconstruire – et l’héritage sur lequel la France peut reconstruire son avenir.

Mais de cet héritage même, la droite a-t-elle encore conscience ? Sait-elle encore le recevoir, le travailler, le proposer ? Quelle tristesse de voir Gérald Darmanin, l’un de ses porte-parole, déclarer sans nuances qu’ « il y a un problème avec toutes les religions dans la République », et que le catholicisme en fait partie… A-t-il oublié que la France doit à l’Eglise l’idée même de laïcité ?

Non pour exclure, mais pour rassembler

Une fois l’émotion de janvier passée, il faut le redire aujourd’hui, de manière apaisée mais claire. Non, la France n’est pas Charlie ; elle n’est pas née de l’ironie corrosive qui défait tout ce que d’autres ont construit avant nous, et pour nous. Elle n’a pas d’avenir si elle croit trouver sa liberté dans la négation agressive, obsessionnelle et stérile, de sa propre identité.

De l’alliance de la tradition judéo-chrétienne avec la raison antique est née notre culture, notre conception du monde, le regard que nous portons sur la famille, sur l’égalité des sexes, sur le sens du temps du travail, sur la responsabilité politique, sur la dignité de l’être humain, sur la liberté de conscience, sur la valeur infinie de la vie. La droite, qui devrait se distinguer justement par son sens de l’héritage, doit avoir le courage de redire maintenant ce qui est, ce qui a fait la France. Non pour exclure, mais pour rassembler : car aucun d’entre nous ne peut se proclamer propriétaire de ce pays qui nous précède. Chaque Français, en revanche, quelle que soit son histoire personnelle, doit pouvoir s’en sentir héritier. Si nos gouvernants continuent de se plier à l’injonction du déracinement, nous paierons très longtemps notre incapacité à dire qui nous sommes.

Crédit photo : Ph.Capper/Flickr/CC BY 2.0

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Repenser l’engagement politique

Le Figaro publiait dans son édition de vendredi des extraits d’un dialogue approfondi avec Gaël Brustier, docteur en sciences politiques et l’une des figures intellectuelles du Parti Socialiste. Ce débat sur la jeunesse et les reconfigurations du paysage politique contemporain est disponible in extenso sur le site Figaro Vox.

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(…) Le Figaro : Le clivage droite-gauche est-il obsolète ? 

FX-B : Le clivage gauche-droite n’est pas périmé, mais il s’exprime différemment aujourd’hui. Finalement, la question sociale n’est plus centrale pour la majorité parlementaire. Cette gauche de gouvernement trouve son identité en assumant d’autres engagements. La figure d’un Vincent Peillon, placé sur le devant de la scène à la faveur des récents débats de société, est intéressante pour comprendre ce qui constitue aujourd’hui l’un des marqueurs les plus importants pour la gauche actuelle : la volonté de terminer une révolution par la déconstruction de repères hérités de traditions antérieures, un progressisme polémique qui voudrait s’imposer au nom de la liberté de chacun de disposer de sa propre vie. Dans les débats sur le genre, par exemple, on a vu s’opposer deux visions de la société : l’une fondée sur cette liberté qui se cherche dans une déconstruction agressive, et l’autre qui affirme la nécessité de préserver les repères de l’identité, de la vie en société, de la famille.

L’année dernière, la gauche n’a pas promu le mariage : elle a voulu déconstruire une certaine idée traditionnelle du mariage. L’exposé des motifs de la loi Taubira était révélateur, de ce point de vue : le but affiché par ce texte législatif était d’accomplir une exigence de laïcité radicale. Dans la vision développée par la majorité, la Révolution aurait permis que la République reprenne en main l’institution du mariage, jusque là préemptée par l’Eglise catholique ; et le « mariage pour tous » vient accomplir ce mouvement, et laïciser définitivement le mariage en faisant disparaitre de sa définition tout ce qui était encore lié à un héritage religieux, qui nous enferme dans une norme préétablie. Il ne s’agissait donc pas d’une réforme constructive, positive, mais d’une volonté critique et négative ; c’est l’une des raisons pour laquelle cette réforme n’a pas rencontré de soutien populaire massif. Une entreprise critique suscite rarement l’enthousiasme populaire. Malgré le fait qu’elle se fasse au nom des droits égaux pour tous, la réforme du « mariage pour tous » était d’abord animée par une volonté de déconstruction. Et paradoxalement, ceux qui ont manifesté contre cette réforme étaient massivement animés par la volonté de valoriser l’institution du mariage. Finalement, le « oui » n’était pas forcément du côté où on le croyait…

Les racines philosophiques de cette déconstruction sont faciles à retrouver dans le travail de fond que la gauche intellectuelle a mené dans la deuxième moitié du XXème siècle. C’est autour de cette tentative de déconstruction que s’articule aujourd’hui le nouveau clivage politique.

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